Ouvrir les yeux et se sentir lourd, vaguement poisseux – rejeter la couette, pied droit ou gauche sans importance sortir se lever s’ébrouer ouvrir les yeux – mettre les lunettes – ouvrir les yeux et voir le noir – pousser la porte, ouvrir l’autre puis la refermer une fois la lumière allumée – enlever la robe de nuit ou le polo orange ou le pantalon de pyjama – pendre et laisser pendre ou les envoyer se faire – ouvrir se souvenir du rêve puis l’oublier tout à fait – ouvrir les yeux humeur massacrante ôter les lunettes, les poser à côté du tube de crème et de la radio tirer le rideau puis derrière soi le refermer – revoir cette image de loin devant la gare de dos imperméable élégant qui s’en va – le film de Delvaux, Un soir un train – regarder ses genoux, ses mollets les plaques rouges, se masser le ventre les épaules les bras – se saisir du fil tuyau au bout duquel le pommeau, c’était Anouk Aimée et Yves Montand ? ouvrir l’eau chaude-bouton rouge – modérer d’eau froide – miction – s’asperger (quel rapport avec le légume, la mousse, le consommé ?) penser à se renseigner ( il y a quelques temps disparaissait la grande asperge, à quatre vingts ans – être née en quarante-quatre – mettre fin à ses souffrances et ses jours – préférer mourir, faillir écrire pourrir, corriger – (cette image d’elle jambes vaguement écartées en pantalon de costume rayé sombre vingt ans pour tout bagage tandis que le chanteur s’appuyait sur son épaule, ses habits de couleur, se souvenir des chaussures éculées) recommencer : commencer plutôt par les aisselles, les bras, le ventre entre les seins, les épaules le dos, frotter du pommeau le dos : là une tache, rouge sang, la savoir là depuis longtemps toujours, jamais ne l’avoir vue de face en vrai jamais – en prendre une photo, dos à la glace y penser oublier – penser à Tchernobyl – penser à penser à ce dessin de perestroïka ne plus se souvenir du nom du garçon, chauve – glasnosk – faire tomber les murs et oublier penser à autre chose ah oui écrire oui asperger les jambes et le reste, puis fermer l’eau, des deux robinets, poser le pommeau sur le mélangeur des robinets, se saisir du savon – à l’huile d’olive – carré – blanc – se souvenir de la censure, se savonner d’abord les aisselles, puis – faire mousser – puis – puis encore sans se saisir du gant, reposer le savon – carré – blanc – huile d’olive rouvrir l’eau – penser penser froide chaude (ne) se souvenir (que) des belles choses – s’asperger en se sentant légume les rendez-vous de la journée coronaires séance – le corps la peau les plaques betaméthazone – le ventre proéminent la brioche et Marie-Antoinette l’eau – la place de la Concorde la panière d’osier – l’eau sous les aisselles, les plis des aines et les autres, chaude tendre douce – puis vérifier l’heure tout en prenant, pendue au radiateur, la serviette rouge – ne pas allumer la radio, penser se sécher plis creux bosses se pencher craindre la douleur – commencer à se sentir éveillé, essuyer la glace, se raser non se lever se laver se vêtir – penser au fou chantant – au fou de Balsan – associer tranquillement tout en maudissant la raideur du dos pour enfiler l’une puis l’autre chaussette et afin de s’appuyer au montant de la porte, le grimpant la liquette peigner peu à faire chaussons lunettes sortir – sortir – sortir
six heures
Remarquable ! Excellent !
Merci Danièle !! Continue bien…
Associer les gestes et les idées, un zigzag du matin magnifique !
Merci à vous
Oui c’est aussi ce qu me plaît dans le texte.
Fluidité dans l’enchaînement des verbes et des images corporelles qui coulent comme l’eau du mélangeur, un matin au réveil. Et des ruptures de ton pour ponctuer le tout. Fort.
Merci Stéphanie…
Formidable flux de gestes et de pensées !
content que ça te plaise, Muriel
Très visuel, vivant.
Plusieurs fois, j’ai souri, merci pour ça.
(moi plutôt jaune, avec Marie-Antoinette mais enfin…) merci à toi
Moi c’est surtout autour de l’asperge 🙂
Voilà, après la 27 et la 28 auxquelles je ne comprends pas grand-chose forcément, je lis dans l’ordre si je peux dire. Bravo pour le monologue intérieur au milieu des gestes du matin, on y est (sous la douche) 😉