C’est comme se rafistoler que de pénétrer dans cet antre. Se tenir devant la porte à ouverture automatique, laisser les battants se déployer, pénétrer dans le sas, puis dans la partie d’accueil, saluer le vigile — se souvenir de l’après covid quand il surveillait la désinfection des mains et le port du masque — , stationner dans la file des retours, esquisser un bonjour, poser les documents sur la banque, patienter le temps de l’enregistrement, pousser le portillon lorsque tout est acté, et laisser libre cours à l’inspiration du moment. Se diriger vers l’étagère des retours du jour, visualiser rapidement sur le dos des livres les noms qui importent, s’emparer d’un, lire la quatrième de couverture, reposer l’ouvrage. Chercher dans ses poches — en faire souvent plusieurs avant de réussir — la liste préparée des titres que l’on souhaite, sillonner entre les étagères à leur recherche, en respectant l’ordre alphabétique, repositionner parfois quelque livre égaré hors de son rangement, prendre l’ouvrage désiré et le ranger dans le sac en toile. Regarder les livres mis en évidence sur des présentoirs par les bibliothécaires, parfois se saisir d’un qui interpelle. Pèleriner encore un peu, car rien ne presse, sentir le poids du sac sur l’épaule, se dire que cela suffit pour cette fois. Se diriger vers l’employée en charge des prêts, sortir sa carte d’emprunteur, extraire les livres du sac, les poser sur la banque, patienter le temps de l’enregistrement, dire merci au revoir, tout remettre dans le sac, l’ajuster sur l’épaule, ressentir déjà le plaisir de lecture, sortir de la médiathèque, regarder le ciel, revenir dans le monde réel.
