Premier jour de boulot. En enfilant mes collants ma nouvelle robe et mes chaussures, soupirer, installer la peur pour mieux la contenir, jeter un œil au miroir avant de sortir. Retard. Métro, montée d’escaliers, descente d’escaliers, presser le pas sans se tordre la cheville, bousculade, ne pas filer le collant. Retard. Réfléchir, inventer une excuse. En comptant les stations comme un compte à rebours, penser à la phrase, la composer, la réciter, la répéter. Retard. Enfin arriver à la station, ne pas se tromper de sortie, la 2, et marcher. Le siège de la banque, escalier à double révolution, velours, dorures, statues.
En montant les marches, lisser ses cheveux, rajuster sa robe, tirer sur les manches, regarder ses chaussures, les juger à la hauteur, ne pas oser poser la main sur la rampe d’escalier mais oser se regarder dans son doré. Premier étage, souffler fort en ajustant sa peur, la localiser dans le ventre et les mains. Personne. Silence. Porte de chêne avec écriteau en lettres d’or. Pousser et entrer. Stupeur face aux bureaux paysagers, des machines, des listings, des coupons, des massicots, des néons, des armoires, des sièges pivotants, à roulettes, des cloisons, des vitres, des faux-plafonds et s’activant des employées, des filles, beaucoup de filles, jeunes, des garçons, jeunes, pas plus de 18 ans et moi ne sachant pas quelle allée prendre. Retard. Rouge aux joues, sueur aux mains. En faisant le premier pas, comme Amstrong sur la Lune, rester concentrée sur les panneaux fléchant les différents services, le mien se trouvant tout au bout, celui des devises étrangères. Retard. Bruit. Crépitement des machines à écrire, perforation des rubans de données, claquement des fins de listings, découpage des récapitulatifs, tri de devises, feuilletage de liasses.