#anthologie #01 | maison d’accueil

Fermer les yeux, ouvrir les yeux. Éteindre le moteur, penser au sas, chercher le sas, oublier de respirer, ne pas trouver le sas. S’accrocher au souvenir de l’enthousiasme, sortir de la voiture. Longer les haies, rangées de laurier-rose, empêcher les murs de s’offrir à la fatigue. Passer la porte les yeux dans le lino. Avancer dans le couloir les pensées dans les plinthes, oublier la chaleur plastique, l’odeur d’urine, de javel, les lumières. Ne pas lire le panneau détaillant comment se laver les mains, l’autre comment ouvrir les fenêtres, fermer les portes, faire fonctionner la machine, se servir des toilettes. Ne pas chercher le nom de la couleur des murs. Croiser les blouses s’affairer dans les chambres, chaussures couinant sur le lino. Dire oui à un café volontiers. Deux sucres. Se laisser regarder avec ce sourire-là. Se laisser juger trop payée pour si peu — elles connaissent les résidents, elles, changent leurs couches, elles. Les deviner derrière le sucre. Inventer un sourire pour chacune, raser les murs en transpirant. Celle-ci sort des toilettes avec Henri. Poser les yeux dans les mains d’Henri. S’y réfugier. Passer l’étape du couloir, de loin les apercevoir attendre, assis autour d’une table. S’approcher, s’approcher encore, blouses aux talons. Goûter le silence dans chaque contact, et jour après jour, à cet instant, respirer. 

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, le documentaire, la photo… Et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif À la Source) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).

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