Ouvrir machinalement la porte donnant sur la cour. Grincement. La refermer sans se retourner en la faisant claquer. Prêt à changer d’univers. Passer du privé au public. Plonger dans l’espace du travail depuis un chez soi mitoyen. Traverser la cour en faisant crisser le gravier. Deux marches. Prendre la clef dépassant d’un trousseau cliquetant. Un tour vers la gauche. Ouvrir. Une odeur. Cette odeur. Celle vous saisissant dans votre fragilité du matin, vous envahissant, vous retournant les tripes. Une odeur de cigarettes refroidie par la nuit, de graillon d’un repas festif déjà oublié des convives repartis au travail. Cette odeur accumulée dans la classe improvisée en début d’année scolaire sur le tiers d’une salle des fêtes en préfabriqué. Ouverture tardive d’une classe. Maudire le rideau-accordéon en plastique n’isolant cet espace que par la vue. Porosité aux bruits et aux odeurs. Mobilier fait de bric et de broc. Des bureaux d’enfants, accolés les uns aux autres par groupes de quatre. Faire attention de ne pas se blesser aux crochets dépassant sur les côtés pour suspendre les cartables et se diriger vers la table sur tréteaux servant de bureau au maître d’école. Là, deux piles de cahiers recouverts d’un protège-cahier en plastique — pas la même couleur — et un cahier d’appel. Se diriger vers les fenêtres en se faufilant entre les bacs remplis de livres donnés par les parents pour créer une bibliothèque. Saisir et relever la poignée de chaque fenêtre. Pousser. La fraîcheur de l’air sans odeur comme une vague purificatrice. Attendre le remplacement total de l’air vicié. Attendre l’arrivée des élèves.