Ouvrir la porte, dire bonjour mais pas comment allez vous, faire s’asseoir, s’asseoir à son tour, dire qu’est ce qui vous amène en ayant l’air d’écouter. La toux, les maux, le pluie qui fait grincer, les graminées, pas l’envie c’est sûr mais quand même, on est bien ici, on peut tout dire.
Par quoi commencer. Tout va mal, ça fait mal. Se plaindre, un peu, pas trop, elle doit en voir toute la journée des plaintes. Se souvenir. Oui, les genoux depuis la chute, le dos à force de porter le père et la toux qui transperce. La fatigue. Ne plus savoir si c’est la vie ou les insomnies. Relever la tête, la voir pianoter sur le clavier des mots compliqués. Attendre.
Traduire les maux en symptômes, ajouter avec réserve son humeur, des morceaux de sa vie. Constater que la médecine n’a pas prévu de cases pour aidant familial dans les symptômes de dorsalgie. Hésiter. Questionner.
Redire la douleur, le poids du père, tousser, pleurer honteuse mais pleurer quand même. Sentir le dos craquer en pleurant, voir ses grands yeux prendre la couleur de l’empathie, pleurer sans cesse en maudissant le bleu pur qui contemple sans cligner la rougeur des siens.
Attendre que passe la tempête. Proposer un mouchoir qui la fait pleurer plus fort. Ne pas prendre sa main sinon elle en prendrait des mains, elle ne peut pas être une main pour tout le monde, elle finirait par perdre sa main. Donner des cachets, expliquer que ça va l’aider, c’est tout ce qu’elle peut faire. Fermer le rideau. Boire de l’eau en apnée, ne pas flancher, rouvrir la porte.