#anthologie #01 | c’est pas rien

Et vous vous êtes qui ? sur mon lit, j’habite à l’hôtel L., je ne peux pas bouger. J’ai eu une galerie, beaucoup d’argent, tout perdu par ma connerie seulement. J’avais noté rendez-vous avec vous aujourd’hui ah non c’était en avril, le 19 avril. Moi c’est G. Vous étiez dans la photographie. Hôtel L., photographie, voix d’outre-tombe, une autre vie, salles de vente, brocantes, galeries, foires à l’autre bout du monde. Se lever de bonne heure, fouiner, souvent sous la pluie, dans des caisses empilées sur le bord d’un trottoir peu éclairé, sortir de l’accumulation une photo de belle signature, retrouver les mêmes têtes bourrées de culture, de curiosité, d’envie de trouver pour rien la merveille sur laquelle faire une culbute déraisonnable. Un jour j’ai découvert que Bourdelle photographiait les étapes de ses sculptures pour ne pas oublier, nous n’étions pas nombreux à le savoir. De la porte de Champerret au Hilton de New York, le prix d’une de ses petites photos souvenir avait centcinquantetuplé. Quelque fierté. Un jour A. nous a rendus tous jaloux, il a découvert un portrait inconnu de Rimbaud. L’histoire : vitrine d’une librairie, une photo, sur la couverture d’un livre d’Alain Borer, silhouette fantôme, il se dit mais ce mec, je l’ai, il fouille, trouve Arthur entre copains à Aden. Cette photo — celle là haut, celui debout qui n’a rien sur la tête — il l’avait achetée à Drouot devant tous les marchands qui bien sûr n’avaient rien vu, personne ne savait. Rimbaud ce n’est pas rien, la photographie non plus. Le gars G., au téléphone au début de l’histoire, c’est une photo de tatouage qu’il m’avait achetée, un médecin s’était mis en tête dans les années 50 de photographier les tatouages de prisonniers. Quel médecin, quelle prison, je ne sais plus mais bref. La photo ne lui plaisait plus, il voulait la renégocier, nous nous étions rencontrés, entendus, c’est peut-être ce rendez-vous qu’il avait noté il y a presque 20 ans et dont il me parle en 2024. La photographie ce n’est vraiment pas rien.

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.

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