Je ne suis pas venu directement. J’ai attendu. Je me suis renversé. Inversé. Je me suis maintenu. Accroché. Détenu. Je ne voulais de ça tout de suite. J’ai attendu. J’ai tergiversé, palabré, pesé le pour et le contre. Le contre l’a emporté. J’ai été emporté avec lui. J’ai été emporté dans je ne sais quoi. Vers je ne sais qui. J’ai été emporté malgré moi. J’ai été emporté malgré mes réticences. J’ai été emporté avec mes petites menottes.
J’ai tâté le terrain. J’ai humé l’air. J’ai observé le contexte. J’ai regretté de devoir aller au turbin. J’ai observé malgré mes yeux fermés. Malgré la forte clarté. Malgré l’agitation ambiante. J’ai observé et évalué l’intérêt de ma présence. Je n’ai pas été convaincu d’emblée. Je n’ai pas été convaincu plus tard. Je n’ai pas été convaincu bien plus tard non plus. J’en ai pris mon parti. J’étais parti de rien. J’arrivais dans pas grand-chose. J’arrivais à l’heure de l’apéro. L’heure d’entre chien et loup. L’heure de l’angoisse de l’apéro avec les chiens et les loups.
Je me suis couché sur un ventre. J’ai humé l’odeur d’un ventre. J’ai tâté le grain de la peau d’un ventre. J’ai attendu sur un ventre. J’ai attendu sur un ventre souffrant. Suant. Épuisé. Dégonflé.
Je ne me suis pas dégonflé. J’ai attendu qu’on me lave. Qu’on m’essuie. Qu’on me réchauffe. Qu’on me détache. Qu’on me foute la paix. J’attends toujours qu’on me foute la paix. Qu’on me lave. Qu’on me réchauffe. Je ne me suis pas dégonflé. J’ai commencé à cocher toutes les cases de ce qu’on attendait de moi. Je suis devenu un beau bébé, un bel enfant, un bel adolescent. Je ne me suis pas dégonflé. Je me suis même décarcassé pour cocher toutes ces cases. Je ne me suis toujours pas dégonflé.
J’ai mangé ce qu’on me donnait. J’ai vomi un nombre de fois acceptable. J’ai pleuré un nombre de fois raisonnable. J’ai cassé un nombre de fois respectable. J’ai obéi à ce qu’on me disait. J’ai trouvé beau ce qu’on me montrait comme beau. J’ai trouvé laid ce qu’on me montrait comme laid. J’ai trouvé beaux des animaux, les ânes, les moutons, les chats, les oiseaux. Je n’ai pas trouvé beaux tous les animaux. J’ai trouvé laids les cochons, les araignées, les limaces et les vers de terre. J’ai trouvé belle la campagne et belle la mer et belles les montagnes.
J’ai souri quand on me faisait des grimaces. J’ai ri quand on me faisait de grosses grimaces. J’ai souri quand on me prenait en photo. J’ai ri quand on me prenait en photo tout nu. J’ai fait le clown avec mes cousins et cousines. Je me suis déguisé. J’ai fait le clown dans ma chasuble de premier communiant. J’ai fait le clown avec moi-même. Je ne me suis pas dégonflé.
J’ai aimé tous mes camarades d’écoles. J’ai aimé le croire. J’ai aimé tous mes professeurs. J’ai aimé tous les cours. J’ai aimé être conduit à l’école. J’ai aimé être apprécié à l’école. J’ai aimé être le premier de la classe. J’ai aimé entendre mon nom prononcé en dernier lors de la remise des bulletins. J’ai aimé aller sur l’estrade pour la remise du diplôme. J’ai aimé être félicité.
J’ai aimé l’odeur de la Suisse. J’ai aimé l’odeur de la famille unie. J’ai aimé le gazon de la piscine au bord du Lac Léman. J’ai aimé l’odeur de ma cousine. J’aimé les rires avec ma cousine. J’ai aimé les jeux avec ma cousine. J’ai aimé ma cousine comme la sœur que je n’avais pas. J’ai aimé ma cousine en visite à Bruxelles. J’ai aimé rendre visite à ma cousine en Suisse. J’ai aimé nos fous-rires. J’ai comblé le vide de ma solitude d’enfant parfait avec ma cousine.
J’ai tout aimé jusqu’à ce que je n’aime plus rien.
(j’ai pas lu mais je suis content de te voir là) (je lirai c’est certain) (d’accord oui)
moi non plus je n’ai pas lu 😉