#anthologie #04 | Habiter

Habiter ailleurs qu’en France mais ne pas le savoir parce qu’on est trop petit

Habiter en France mais ne pas le savoir parce qu’on n’est pas encore assez grand même si on étudie déjà  la géographie mais dans les livres, ce n’est pas pareil les pays, c’est simple, net et dessiné sur des cartes bien à plat et coloriées de façon distincte.

Apprendre dans la cour de récréation qu’habiter en France c’est être français d’où la question :  Dis, Maman est ce qu’on est des français, nous ? Oui, bien sûr répond la voix maternelle et distraite qui n’entend pas la vraie question.

Déménager très souvent alors qu’on est petit ou plutôt vivre toujours dans l’idée qu’on va déménager, vivre dans une maison avec l’idée qu’on peut avoir à en partir tout le temps. Pas à cause de la précarité non, à cause du métier du père à qui on peut demander d’aller travailler ailleurs, comme ça du jour au lendemain. Vivre avec des rideaux jamais vraiment posés, par la mère par exemple, puisque c’est à elle de le faire, de l’organiser. Ça m’a hantée moi-même plus tard, ces histoires de rideaux. Impossible de régler cette histoire de rideaux, certes je ne suis ni couturière, ni particulièrement bricoleuse mais enfin on peut demander. Non, impossible, je ne vois pas comment faire, demander oui mais quoi. Mais ce n’est pas de famille puisqu’une de mes sœurs faisait ça sans problème et même me grondait de ne pas le faire.

Après mon divorce, habiter deux petites chambres de bonne rassemblées en une seule, au septième étage, avec des WC à la turque sur le palier et où je pouvais aussi me doucher avec un tuyau privatif à brancher sur l’arrivée d’eau. Du coup, ces WC étaient toujours impeccables. Y avoir un chauffage au gaz avec une bouteille à monter là-haut, tout là-haut. La lumière venait de deux vasistas dans le toit. Mon plus beau souvenir de maison : j’étais enfin seule, enfin libre et c’était moi qui réglais le loyer avec mes premiers salaires. Comme quoi, une belle maison, c’est une maison où on est heureux.


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A propos de Monica

Je n'ai pas souvenir du temps où je n'écrivais pas mais il y a de longues périodes où j'écris peu, voire pas du tout. Comme a dit François Bon dans son introduction, cette fois-ci, j'écris pour "sauver ma peau" . L'expression m'a frappée. Je vis entre la région parisienne et un endroit un peu perdu au sud de Millau.

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