Le 15/04/2021, à l’APP, structure associative de Barbezieux-Saint-Hilaire, j’ai proposé au groupe un exercice d’écriture, directement issu du site Tiers Livre, sur lequel je travaillais moi-même. Je ne réalise jamais ce genre de croisement, mais pour pouvoir progresser dans mon travail c’était a priori la seule solution. Dans le cadre du bicentenaire de Charles Baudelaire, il s’agissait de choisir une des nombreuses adresses parisiennes, surtout, où l’écrivain a vécu, de la retrouver à l’aide du net, et de prendre quelques notes sur ce qui attire l’attention dans ce qu’on peut en lire (comme l’histoire d’une rue disparue dont la forme et le nom ont changé) et en voir (de notre puissant Google Maps au plan de Truschet et Hoyau de 1553). Ce qu’on va lire ici correspond au travail, vraisemblablement inachevé mais avancé, que je réalise. Au préalable, on aurait pu comparer le Paris d’aujourd’hui avec le Paris d’avant les travaux du baron Haussmann dans lequel a vécu Baudelaire, mais je n’y ai pas pensé. Pour rappel ou découverte, la séance aura simplement débuté par la lecture de quelques textes de Baudelaire : L’Étranger, À une passante, L’Invitation au voyage, Enivrez-vous.
Sylvette : Les Marais-du-Temple, franch’ment j’comprends pas. Vous voulez qu’on r’trouve la rue, mais moi j’trouve pas. C’est pas possible, elle existe pas la Marais-du-Temple. — Ah, mais ça c’est possible. J’ai prévenu d’ailleurs, que les rues d’y a presque deux siècles c’est pas forcément les mêmes. Alors comment on peut faire ? — Ben… faudrait trouver la rue qui la remplace. — OK, si elle existe. Et comment on fait ? — Attendez j’cherche ! Alors Sylvette ? — Franch’ment, j’y comprends rien. J’ai bien la rue des Marais, et après ? Vous voulez qu’j’en fasse quoi, elle existe pas non plus ? — Mais si, r’gardez. Elle a été coupée en trois. — Merci j’sais lire ! — Vous m’fâchez ? — Non ! mais c’est trop compliqué vot’ truc. J’voulais une rue, j’en ai deux et une place. Et encore j’compte pas l’boulevard ! Et l’numéro, on en fait quoi ? J’prends les trois ? — Ben… oui.
Thérésa, navigue sur la Toile, prend des notes sur un petit cahier. Elle ne me laisse pas lire avant la fin. Elle n’a pas besoin d’aide pour ses recherches. Sur l’écran, une lourde porte cochère voûtée ; jambages à colonnes engagées supportant un balcon, balustrade en fer forgé ; des chasse-roues, tubes de métal ; deux vantaux bleu marine ; des panneaux de soubassement sculptés, une pointe de diamant au centre de chacun ; des panneaux vitrés en ferronnerie, 4×8 carreaux, dont un tout rond au centre, comme un œil ; d’autres panneaux au-dessus, moulurés, architecturés, comme des gerbes ailées, enrubannées ; les impostes en arc, panneaux vitrés en ferronnerie, des arabesques ; le dessus-de-porte sculpté au centre de l’entablement du balcon, un cartouche stylisé pour un décor de rocaille tout en courbes et contre-courbes mouvementées, presque en forme de cœur. Ce n’est pas la porte de l’hôtel Lauzun, plus simple. En juillet 2015, le vantail de gauche était ouvert : on aperçoit deux appliques en forme de réverbère, deux panneaux rectangulaires dont les vitres reflètent le sol de la cour intérieure, une grille et peut-être une fenêtre ; l’arrière d’une moto avec un bagage tout rond. En juin 2015, c’est le guichet du vantail de droite qui était ouvert : il fait sombre ; on aperçoit, au fond, la grille, la cour pavée, une fenêtre arquée avec une espèce de trou dessous, dans le mur, une niche en anse de panier, où Baudelaire a peut-être craché. Elle écrira…
Bon alors, ces Marais ? — J’patauge. Non, mais c’est vrai, j’sais plus moi, avec toutes ces pages ouvertes j’sais plus. J’ai perdu c’que j’cherchais. — Ah ben oui, mais c’est pas avec Pôle Emploi qu’vous allez r’trouver. Allez, j’prends la main si vous voulez. — Attendez, j’finis de r’garder les annonces. Alors, Paris c’est là, ça c’est la page recherche, ça c’est l’article rue des Marais, ça vot’ messagerie, là une autre page recherche. Et c’est la même ! — Mais j’vous dis, j’sais plus où j’en suis là. En plus le 25 il existe nulle part. — Il existe pas ? — Nulle part j’vous dit, r’gardez. — Alors, la rue d’Nancy elle est là, ça c’est la rue Albert Thomas. Et la place ? — La place ? j’ai pas cherché. — Bon alors on va commencer par ça. Allons-y. 25 place Bonsergent, qu’est-ce qu’on a… ? Ah oui, je vois l’coup du boulevard ! Monsieur Haussman s’est fait plaisir ! Y a quand même un bout manquant entre la rue et la place. Ce s’rait quand même pas d’chance que l’baron ait rasé le logement d’Baudelaire. — Et moi j’vous dis qu’il existe plus. Alors, ce 25 place Bonsergent… Vous voyez les p’tites pastilles ? — C’est comme ça qu’ça s’appelle ? — Euh… j’en sais rien, c’est venu comme ça. Bref ! mes pastilles ça aide pour retrouver l’sens. Vous voyez ? Ça c’est le quatorze, et au bout… le dix-huit. — Et alors, il est où le 25 ? — Oui là, j’crois qu’c’est mort vu qu’après c’est l’boulevard. — En plus les nombres impairs ça tombe en plein sur la place, là où c’est vide !
Hammou, visite l’île Saint-Louis en mode street view, et s’y perd. Je lui fais remarquer qu’il peut retrouver le 22 quai de Béthune en revenant sur la vue aérienne, mais il « préfère marcher ». Il manque de vocabulaire pour décrire la porte, confond toujours en- avec on- (quand c’est long ça peut être lent). Je l’aide au mieux, m’appuyant sur la Toile et le Dicobat visuel (je ne connais pas non plus les termes techniques de la construction). L’intéresse mieux les travaux qui ont lieu dans la rue à l’angle de l’immeuble, la rangée de six ou sept tas de barres de fer et de plaques de béton d’un échafaudage qu’on a vraisemblablement démonté vu le ton clair, écru, et même beige, des murs. Et puis, Notre-Dame en grands travaux. Comme un vaisseau en construction, vu du ciel, avec ce drôle de canevas de métal, à la croisée du transept et de la nef, ailleurs toute de voile blanc. Il écrira…
Allez, 25 rue d’Nancy. — Vous embêtez pas y a pas. Ça va pas plus loin que l’vingt et un. — Ah. Vous êtes sûre ? — Ben allez-y, r’gardez sur la page. Vous allez voir une belle rangée de scooters devant une agence de voyages et un salon de beauté. Le vingt et un c’est là, la porte verte entre les deux. — Une belle porte d’ailleurs, on dirait de la dentelle de fer. — Avec le rideau de fer tagué à côté, ça tranche ! — Bon, alors il nous reste plus qu’à aller chez Albert Thomas… — Et y aura rien non plus… « Suggérer une modification du lieu suivant : 25 rue Albert Thomas. » En plein dans le carrefour ! Voyons si on s’retourne… Ici le vingt-sept, et d’l’autre côté… Vingt et un. Décidément ! Bon ben… on a qu’à dire que c’est là, juste à l’angle. Au cinq de la rue Beaurepaire. Est-ce qu’elle existait d’abord cette rue, du temps d’Baudelaire… ? Oui ! Et r’gardez, elle est déjà là au moyen-âge, via Bellus Lorus, déjà traduit en 1313 par rue Beaurepaire. Et y a même un vieux plan d’Paris. R’gardez, elle est là. — Oui, enfin, comparé au plan actuel, c’est un dessin d’enfant. Et vu l’sens de la rue Montmartre, on a l’impression que l’nord se trouve à l’ouest… Bon, on va laisser le vieux r’paire de côté, on va s’concentrer sur le cinq à l’angle, ça vous va ? — Ben moi, c’est comme vous voulez, mais c’est 25 rue Albert Thomas… Et j’me d’mande si ça aurait mieux collé là, d’l’autre côté d’la place. — La place… au bout de la Beaurepaire ? la République ? — Non la Bonsergent. — Là ? Par-là, le boul’vard Magenta ? — Oui r’gardez, le Happy Phone c’est au vingt-trois. Ça pourrait être juste à côté. — Ben là OK, on s’ra bien au 25. Mais on se r’trouve surtout dans la percée de monsieur l’baron. Baudelaire au Marais-du-Temple, c’était quand ? — 1852. — L’année où les grands travaux commencent, donc aucune chance que ça soit là. Alors qu’au cinq de la Beaurepaire… — Vous m’racontez des fariboles. Parce que vous croyez qu’une rue qui a été coupée en trois morceaux, qui ont chacun leur numérotation, qui ont changé d’noms plusieurs fois, un ancien numéro va tomber pile sur le numéro d’aujourd’hui ? qu’est pas l’même numéro d’ailleurs ? et pas à la même rue ? On sait même pas comment ça marche le sens des numéros. — Ah, mais ça, vous pouvez chercher…
Sonia, s’attaque d’emblée à la page blanche ; 15 quai d’Anjou c’est le titre ; portrait classique de Baudelaire par Étienne Carjat ; photo d’antan du quai par Eugène Atget en 1900, au niveau de l’hôtel Lauzun depuis la voie (vide, sauf peut-être, tout au fond, très floue, une calèche), et en vis-à-vis la copie d’écran de la voie sur Google Maps en mode street view en juin 2019, au niveau du n°15, mais dans l’autre sens (avec la fenêtre grande ouverte au-dessus de la porte d’entrée et, en face, une quinzaine de personnes s’appuyant sur le garde-fou, visages flous) ; la copie d’écran de l’entrée plein champ (et la Harley garée à côté) ; et l’image d’un panneau sur lequel on lit une note sur je ne sais quoi. Elle écrira…
Alors, le sens ? — Vous avez d’la chance. Apparemment, depuis 1805 à Paris, on commence au plus près d’la Seine, ou d’sa source, et côté pair à droite, impair à gauche. Donc le 25 rue des Marais-du-Temple ça pourrait bien être à l’angle. Après, si y avait plus ou moins de numéros à l’époque, on en sait rien. Mais allons-y pour l’angle. — En tous cas, entre l’tronçon Albert Thomas et la vieille Beaurepaire, il les aura bien arpentées toutes les deux ces rues, Baudelaire. Et vous avez noté qu’pour quelqu’un qu’a pas arrêté d’changer d’domicile, se loger à un carrefour, à la croisée des ch’mins, c’est presque logique non… ? Bon, maint’nant qu’on y est, qu’est-ce que vous allez ret’nir ? Qu’est-ce que vous comptez écrire ? — Ben attendez, laissez-moi l’temps. — À propos du temps, vous savez qu’avec cette fonction, là, vous pouvez l’remonter ? R’gardez, jusqu’en mai 2008. Y a treize ans ! Tenez, r’gardez. R’gardez l’vélo tout en longueur sur la route. Une belle anamorphose ! — Ma parole, l’vélo en machin chose, il a surtout l’air aplati. Et sans tête on dirait un fantôme. Il est pas plutôt dans vot’ tête le p’tit vélo ? — Non, mais j’dis ça pour vous montrer. Si l’image fixe ça vous convient pas, faites-la défiler dans l’temps. Dans l’jeu des p’tites différences et du hasard, on trouve parfois du sens. J’suis sûr que ça peut faire un p’tit film original si on passe en vitesse les copies d’écran. — Oui enfin, à mon avis, vous vous faites trop d’films. Parce qu’à part la poubelle un peu plus design, et le montant du panneau qui s’remplit sûrement peu à peu d’autocollants, et j’parie qu’vous voulez savoir c’qu’i’ y a écrit d’ssus… — Et la lumière quand même ! — … et la lumière, et les ombres si vous voulez, mais y a rien qui change vraiment. Vous vous la compliquez toujours comme ça, la vie ? Elle écrira…
- Retours sur l’analyse de pratique :
- Évidemment. — J’ai ouvert le texte avec cet adverbe, mais est-il vraiment utile ? Je crois que non. Sauf qu’à le comprendre littéralement, c’est-à-dire : de façon évidente, d’une manière qui évide : le mot a une autre portée. Resterait alors à mettre ce sens un peu mieux en évidence. — Et tant pis si, à la lettre, évidemment a pour origine latine videre, « voir », alors qu’évident provient de vacuus, « vide ».
- On m’a fait remarquer : qu’on ne comprend pas très bien, je veux dire exactement : je sais qu’il s’agit d’une obsession (mais le mot est trop fort), une obligation que le travail (à ce propos j’en ai plus depuis 6 mois… et j’aime assez en entendre parler — finalement je vais mettre un commentaire quand même), mais on ne comprend pas très bien de quoi il retourne, un éclaircissement sur les buts, les conditions ou les raisons de ce briefing/réunion/conférence/entrevue (?), ce serait plus ample dans la réception, mais le « flux » comme dit l’autre — c’est une espèce de mot à la mode —, vraiment ça emporte. J’ai répondu :
- Grand merci pour cette remarque qui donne à réfléchir. La question du contexte qui en dirait un peu plus, c’est ce qui manque, oui. Et c’est sûrement ça l’appel d’une seconde partie dont je fais part dans les notes. C’est ça qui manque, alors que c’est de ça dont je voulais parler au départ. Mais de quoi j’aurais parlé, alors ? De cette « obligation que le travail ». Or, l’obsession joue à un autre niveau, hors contexte, et je me suis plongé dedans sans plus trop réfléchir au pourquoi du comment de l’analyse de pratique professionnelle. Et pourtant, ça me travaille encore, ça.
- Pourtant, les conditions me semblent assez fortuites. Ça s’est décidé dans un autre genre de « briefing/réunion/conférence/entrevue » — c’est bien dit ça, tant la pause-café du matin peut parfois largement entamer, dans un temps record, la réunion d’équipe mensuelle qui aura pourtant lieu en fin de journée — ; la direction avait reçu un message de Miss Ferrari, analyste de pratique professionnelle ; des collègues la connaissaient déjà, elle avait une bonne réputation ; Alors on essaie ? ça vous dit ? — Ah, mais moi de toute façon j’en ai besoin. — Et les autres… ? Le but ? Coordination d’équipe, bien-être des salariés, améliorer son savoir-faire et son savoir-être, etc. — que je déteste cette dernière expression ; je ne sais plus qui lui substitue savoir-penser… —, sauver les meubles et les apparences… — je sais, j’ai la dent dure.
- Mais c’est peut-être un autre genre de contexte que vous attendez ? Le moment juste avant d’y aller par exemple, ou juste après, une voiture pour quatre, aller-retour de la structure jusqu’à la ZAC Plaisance — quel nom quand on y pense ! —, dans cette ancienne maison de cognac rénovée, entre en salle des fêtes et palais des congrès. Le rappel de la directrice, qui n’a pas assisté à la séance — et c’est un vrai point d’interrogation ça : devrait-elle être là ou non ? ; après tout, c’est aussi une salariée, elle fait partie de l’équipe ; surtout avec sa vision horizontale des rôles de chacun dans la structure associative ; mais c’est peut-être une vision plus théorique, symbolique, qu’effective ? —, qu’au prix de la séance mieux vaut ne pas être en retard et en profiter au maximum — ce qui me chagrine d’autant plus que j’aurais préféré, peut-être à tort, faire l’économie coûteuse de ce genre de prestation, amenée à se renouveler plusieurs fois, et obtenir une augmentation du salaire, même symbolique.
- Bref ! le contexte de l’analyse de pratique est passé à la trappe, alors que je comptais le faire passer dans le tambour de la machine. Disons que dans le cadre de l’obsession comme j’essaie d’en parler, à propos de la parole qu’un professionnel de la parole distribue à tour de rôle, et qui commence à tourner avec de simples présentations, le contexte s’est retrouvé hors-jeu, à la place manquante. De là à dire que, du coup, il devient le centre névralgique de la situation…
- (Il y a quelques années, on avait déjà fait l’expérience d’une analyse de pratique. Ça avait tourné au règlement de compte entre deux collègues dès la première et unique séance. Je ne m’en souviens pas vraiment.)
- Quant au flux ou au flow, si ça vous convient, tant mieux. J’avoue que ce n’est pas ce à quoi je fais le plus attention. Je modifie ici ou là, de temps en temps, à l’instinct, dans l’instant de la phrase en cours (quelques lignes plus loin, c’est fini, je ne peux plus, je ne veux plus y revenir). Je fais plutôt attention aux échos, aux images, aux métaphores (dont je me méfie grandement parce que j’ai dû mal à les tenir, à les filer, et parce que j’ai le sentiment de faire faux bond à la réalité), et aux temps.
- À propos de votre travail, que vous n’avez plus depuis six mois : un départ ? la retraite ? une reconversion ? un soulagement ? un désœuvrement ? — Si je ne me trompe pas, vous êtes sociologue. Alors votre questionnement : à mettre sur le compte de la déformation professionnelle, si la sociologie vit bien de descriptions et analyses de situations/contextes ?
- Pour la première fois, la consigne ne semble pas du tout convenir au cadre d’écriture dans lequel je m’inscris : il s’agit d’écrire depuis un des trente-deux domiciles de Baudelaire, à Paris, sur place ou via la Toile. Exit mon lieu de travail provincial, il n’a qu’à mieux se tenir ! — Cela dit, il est déjà arrivé qu’une consigne ne cadre pas et j’avais trouvé une solution.
- Étrange : à suivre les liens utiles de f pour mieux comprendre les enjeux de la consigne, je retombe sur un de mes textes, écrit lors d’un atelier d’écriture consacré au lieu avec Perec ; et, ce texte de fin décembre 2016, hors de l’ensemble consacré pleinement au lieu de travail depuis juin 2020, en traite déjà, à propos du Lieu Ressource ! — La boucle serait-elle en train de se boucler ?
- La solution pourrait justement venir de ça : de la boucler. Je veux dire que je pourrais me taire en proposant l’exercice d’écriture de f directement à celles et ceux avec qui je travaille dans la structure. Pour une fois, ce ne serait pas moi qui écrirais — ou alors sous l’espèce de l’écriture sans écriture ? Je pourrais leur donner la liste des lieux de vie de Baudelaire, à eux ensuite d’en choisir un ou deux, de les retrouver sur la Toile, et d’écrire ? À moi de les aider dans leurs recherches et de rassembler l’ensemble des textes. À ce travail collaboratif, alors, d’exprimer le génie du lieu de travail.
- On pourrait aussi choisir un seul lieu et chacun effectuerait ses recherches et écrirait à partir de ce qui a été trouvé. — On pourrait aussi proposer de décrire les étapes de la recherche, de l’écriture.
- Et moi, en attendant, je m’intéresserais à un autre endroit, en lien avec le lieu de travail. Cette pièce abandonnée, par exemple, derrière des volets en ruine d’un immeuble en plein centre-ville, le jour où l’on a décidé de sortir, pour une fois, de la structure et de traverser la ville jusqu’à la passerelle.
- On pourrait aussi faire un pas de côté et s’intéresser aux lieux portant aujourd’hui le nom de Baudelaire : collèges, lycées, rues, avenues, boulevards, impasse peut-être ? — Ou des lieux dans le monde du genre : rue Charles Baudelaire, Dumbéa, Nouvelle-Calédonie — Baudelaire, Bar in Saint Petersburg, Russia — Baudelaire, Cœur d’Alene, Idaho, Etats-Unis — Baudelaire, Santa Cruz de la Sierra, Bolivie — Institut bilingue Baudelaire, collège à Yaoundé, Cameroun.
- Impasse Charles Baudelaire — Aizenay, en Vendée, donnant accès à une place vide en mars 2011, pavillons en construction — Agen — Arnas — Bollène — Boulazac-Isle-Manoir — Bourges — Bram — Charvieu-Chavagneux — Château-d’Olonne — Conques-sur-Orbiel — Couternon — Delle — Gerzat — Grabels — L’Étang-Salé — L’Huisserie — La Valette-du-Var — La Verrie — Lège-Cap-Ferret — Moissac — Montpon-Ménestérol — Muzillac — Narbonne — Pechbonnieu — Peypin — Saint-Geniès-de-Malgoirès — Saint-Louis-de-Montferrand, où se situe l’entreprise La Touche de peinture — Saint-Yrieix-sur-Charente, avec au bout un petit accès piétonnier à la rue de Bellevue — Sérignon — Seyches.
- Impasse Baudelaire — Blagnac, dans une cité pavillonnaire de maisons en kit, de haies, de jardins, allée de pavés roses — Cubiac, en Corrèze, et limite du département — Erquery dans l’Oise, au bout un arbre ferme l’accès à la plaine vallonnée de champs et de bois — Fréjus, à l’angle de l’avenue Maupassant, dans un quartier tout en circonvolutions où l’on retrouve Saint-Saëns, Balzac, Flaubert, Strauss, Manet, Verlaine (en impasse également), Mozart, France, Renan, Bizet, Chardin, Rodin, Ravel, Michelet, Wagner, Daudet, Millet, Debussy, Lamartine, Stendhal, Fragonard, Gounod, Chateaubriand, Ronsard, Charpentier, Courbet, Rossini, Malherbe (avenue et impasse), Valéry, Berlioz, Martin du Gard, Gauthier, Watteau, du Bellay, Poincaré — L’Hébergement, en Vendée, avec Péguy, Prévert, Rimbaud, etc., et surtout à deux pas de Nono la belle cuisse — La Chapelle-sur-Erdre, en Loire-Atlantique, une impasse juste en face d’une autre, coupée par le chemin de la Nallière — Le Havre, comme la porte de derrière du lycée Claude Monet, « accès interdit à toutes personnes non autorisées », en portail gris surmonté de fil barbelé — Les Angles, dans le Gard, avec Molière, Sand, Verne, Zola, Saint-Exupéry, Fournier, etc., avec au bout une petite place ronde où trônait une poubelle grise, un jour de décembre 2008, son reflet dans une flaque — Mondeville, Calvados, impasse cernée par une série de pavillons accolés, toute en décrochage, en coins et recoins scalaires, qui font penser à l’escalier sans fin d’Escher, on y entre par la rue Sartre — Neuville-sur-Saône, par une rue qui monte, l’impasse redescend, pavillons en file indienne de part et d’autre — Osny, Val-d’Oise, un chemin piétonnier, gardé par des barrières métalliques, d’herbe et de terre, entre deux haies — Oyonnax, dans l’Ain, pour un escalier en ciment à trois volées de six, six et huit marches — Saint-Martin-des-Champs, Finistère, une fausse impasse, comme une petite boucle, comme une hernie de la rue Dumas, avec un étranglement pour la rejoindre — Trangé, dans la Sarthe, une impasse pour Google Maps, pas pour Géoportail : dans une cité en construction, un chemin terreux ouvert à des champs de cultures diverses.
- Spleen Road, Ridgway, Pennsylvanie, États-Unis
- Et si on faisait le tour du Spleen autour du monde ? Si on inventait Spleen City ?
- Sylvette a choisi 25 rue des Marais-du-Temple, Thérésa l’hôtel de Lauzun, Hammou 22 quai de Béthune, Sonia 15 quai d’Anjou, Nathalie 22 rue d’Amsterdam et Patricia 11 boulevard Bonne-Nouvelle. Et maintenant, un fragment pour chacun d’eux, bien que cela ne convienne pas avec l’écriture d’un bloc-paragraphe, ou je saute de l’un à l’autre, comme je l’ai fait au cours de la séance — au plus près du réel donc —, et tant pis si le bloc s’en trouve éclaté ?
- Problèmes récurrents : comment retrouver l’adresse ? ; une machine qui rame, on ne peut plus écrire ; trop d’onglets de navigateur ouverts, on ne retrouve plus la page ; se diriger sur Google Maps, utiliser Géoportail ; trop de fichiers ouverts, on ne retrouve ni le texte ni l’image ; comment intégrer l’image dans le texte ? ; la machine qui s’éteint — Vous avez enregistré ? ; ne pas savoir quoi dire, de ce qu’on voit ; comment sortir du plan cadastral ? ; l’adresse n’existe plus ; Il faut faire quoi déjà ?
- Spleen City, une ville éclatée, constituée de 44 arrondissements disséminés dans le monde. La recherche sur Google Maps n’a pas été si simple. Google ne dresse pas la liste complète des résultats, mais une liste partielle fonction de la zone géographique dans laquelle s’effectue la recherche. Il a donc fallu changer régulièrement de zone afin d’obtenir des résultats variés, et la liste la plus complète possible. Parfois, l’échelle change quelque peu (d’une inscription généralement à 50 m à une autre valant 100 m). Parfois, l’adresse indiquée n’existe pas (et c’est un point d’interrogation).
- Resterait à écrire un Tableau de la géographie du Spleen en décrivant, vus du ciel, les détails qui attirent le regard, et chaque lieu splénétique en mode street view — quand c’est possible : la Spleen Road, par exemple, est inaccessible, on peut seulement la longer par la voie parallèle.
- Et puis reconstituer la carte imaginaire en associant, plus ou moins dispersées et superposées, les copies d’écran à la manière d’Hockney, comme dans la partie de Scrabble avec sa mère. On verrait apparaître des communautés et des diasporas nouvelles, peut-être des peuplades oubliées de la Grande Garabagne de Michaux. Et alors adieu Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Danemark, États-Unis, Hongrie, Inde, Italie, Japon, Kochersberg, Maroc, Médoc, Pakistan, Portugal, Slovaquie.
- Et l’étonnant « Baudelaire fermé » — Ulitsa Vosstaniya, 24/27, лит.В, St Petersburg, Russie, 191014. Saisissons l’occasion avant liquidation numérique.
- D’abord, une vue du ciel — j’allais dire facile, si on se laisse porter par l’altitude par défaut de Google Maps ; mais quelle est vraiment la bonne altitude ? quelle orientation aussi, nord-sud ou pourquoi pas est-ouest ? et une vue en 2D ou en 3D, comme le propose Google Earth ? comment bien se situer pour une anomalie construite ?
- Vue de la rue, en juillet 2018 — c’était peut-être au fond, de l’autre côté du passage.
- Ou alors l’entrée à gauche — et août 2011, c’était ouvert ?
- Je peux aussi tout simplement organiser le texte en fonction des lieux choisis : du problème que pose telle adresse, à telle personne, à la solution, à ce dont on peut parler du lieu, à ce que chacun finit par en dire.
- Ne pas oublier : « On ne se préoccupe pas de réinventer le passé, on prélève une suite de signes au présent. »
- Les plages de dialogue plus ou moins imaginaire prêtes, resterait à intégrer de petits récits consacrés aux autres entre chacune d’elles, et leurs textes ou des fragments, tout prêts. Il n’y a plus qu’à coller. Mais ils ne sont pas encore prêts. À la place, en attendant — mais ce n’est pas pour demain, je ne vois pas le groupe avant une quinzaine de jours ; à moins d’utiliser seulement mes souvenirs de la séance —, des trous.
- « Baudelaire fermé » : il y a là tout un travail à part entière.
- Rue du Marais-du-Temple. Je ne sais comment, pourquoi, on a ainsi baptisé une voie, mais la vie c’est un peu ça aussi, tantôt du côté des Marais, tantôt du Temple ? Ou plutôt c’est les Marais et on recherche le Temple ?