Quitter la grande ville de l’est de nuit, suivant les traces blanches au sol que l’on ne comprends pas – comme la langue des gens de là-bas dansant et mangeant pour la dernière fois, mais manger tellement que l’on y croirait pas d’être sur la route maintenant, de repartir déjà, sans plus s’arrêter – et ceux qui ne conduisent pas et qui ont bu et les autres qui s’installent au volant tous les deux heures changeant – début des routes noires bordées des forêts muettes la nuit, presque flippantes, et traversant des villages de jours tellement appréciés, mais là, en cette heure de nuit, chien aboyant, chemin hésitant on voudrait juste traverser- les routes que l’on a appris à connaître, et à cette heure, personne pour venir doubler et redire, qu’ici définitivement vous ne savez pas conduire – le hongrois qui dirige à la carte dans cette voiture là et les autres ont des gps sur des téléphones compliqués déjà – Et toutes les deux heures conducteur changeant, celui à côté, toujours réveillé et toi pensant, permis à peine empoché que tu es partie avec ces mecs-là, te coltiner des autoroutes glacés onze heures d’affilés – pauses d’autoroutes gelées et vides, réconfort d’arriver en Italie avec le café gratuit plusieurs fois, une fois deux fois et remettre le même cd parce qu’on les a déjà tous écoutés – changement de conducteur encore, toi dormant à l’arrière recroquevillée tout le corps entier sur la banquette et lui conduisant, et celui à côté, toujours le même , toujours réveillée, pas de conversation toi dormant sans dormir, ne pensant qu’à dormir car dans deux heure il faudra recommencer, passer devant, mettre les mains sur le volant repartir, les autoroutes noires et les lumières de camion qui bordent, qui dépassent, font comme des éclats étalés dans les vers de lunettes et confondent la route, le regard rassurant dans le rétroviseur intérieur, qui dit que derrière c’est juste noir et tout simplement noir, rassurant de savoir que tout ce noir, ça permet de voir quand quelqu’un est là, que quelqu’un arrive et te doublera, laissant de nouveau le noir vide et immense derrière et celui à coté toujours le même réveillé – une autre pause pour café gratuit, que c’est long dans ce sens là l’Italie, pause de l’autre voiture aussi et les deux hommes capuchés changent aussi de siège en alterné, leur celui d’à côté à eux, toujours le même réveillé (celui qui jetant des pierres l’autre jour et éructant, celui qui, toi t’interposant entre les hommes s’insultant, a mis sans le savoir déjà à ce moment là le pied dans le rouage de fin des grandes amitiés) mais pour l’instant pas de ça, juste du froid, du café et des capuches vissés – les lumières criardes des toilettes pour femme où toi seule descend – et de nouveau le contact glacé des portières grises pour repartir sur la route qui ne finit pas –qui va finir un jour mais qui là, ne finit pas – pour arriver plus tard à la dernière frontière souvenir infini de cette lumière-là, de la mer à deux pas, de la route passant près du lieu de job d’été de presque tout ce petit monde-là trimballé dans deux voitures filant, avant de reprendre leur vie calmement- de ce soleil inattendu comme si la nuit n’allait plus jamais s’arrêter et les yeux tellement ouverts de ne pas avoir dormi– un lit pour se coucher alors que commence la journée, alors que les bruits du matins à côté de la joue – un lit pour une route qui va continuer de dérouler, comme après les journées de ski tu retombe sur tes pieds avec la sensation de glisser, comme on descend de vélo et que l’on ne peut pas tout de suite marcher sans avoir quelque secondes le besoin de réapprendre à mettre le pied devant l’autre – arriver chez soi avec ce sentiment-là de désirer un lit et tout dans le même temps de vouloir s’échapper, faire demi-tour et repartir déjà, sachant, goutant là, que cette vie ne sera plus que ça, des départs avec toujours des retours alors qu’on en voudrait pas.