À un moment donné, on prendrait des textes écrits récemment, à partir desquels on tenterait de mettre à jour de possibles convergences, des lignes de force — ou de fuite. Ces textes, selon la manière dont on les agencerait, ouvriraient sur différents récits, sujets à différentes interprétations. À ce stade, la masse des textes (qui ne forme pas un ensemble homogène) est comme une pelote de laine dont chaque brin tiré peut devenir le fil directeur d’une histoire particulière.
1. « Un appartement à Joinville-Le-Pont, au quatrième étage d’un immeuble attenant à une boulangerie. » Arrêtons-nous un instant sur cet appartement. Un couple s’y installe, puis s’en va. D’autres personnes vont et viennent, les années passent, les époques. Dans cet appartement, on y reste un mois, un an, toute une vie. On y fait l’amour, on s’y déchire, des enfants naissent ; un homme meurt : la vie. Mais cette vie, qui pourrait faire l’objet du récit, serait celle de l’appartement. Les murs se souviennent : couches successives de peinture, de papier peint arraché. Le sol s’use de l’empreinte des vies passées. Des objets oubliés (un livre, une lampe, un bijou, un jouet, etc.) réapparaissent et s’installent dans d’autres vies. La boulangerie au rez-de-chaussée a connu plusieurs changements de propriétaire. Pour l’instant, c’est toujours une boulangerie. Chaque année, les mêmes oiseaux font leur nid dans l’arbre qui fait face à la fenêtre du salon ; derrière les rideaux, les yeux qui les contemplent distraitement ne sont jamais les mêmes.
2. « On pourrait ne rien voir, ne voir que le passage du temps, et passer son chemin. » Un livre tout entier en noir et blanc, en nuance de gris. Jusqu’au surgissement de la couleur, dans une scène solaire qui viendrait clore l’ouvrage. Ciel gris. Nuages sombres. Sang noir. Lumières blafardes. Du bleu, du rouge, de l’or. Du bleu, de l’orange et du jaune.
3. « Mon cœur brisé, en mille morceaux dans une playlist. » Imaginons ça : un livre constitué en playlist. Chaque chapitre est une chanson (ou un album). Chaque chanson (ou album) : décortiquée, analysée, commentée. La critique érudite poussée jusque dans ses retranchements, à grand renfort de notes de bas de page, de rappels. Entre les lignes, sous la ligne de flottaison, une autre histoire se dessine. Intime. Déchirante. Un sous-texte qui sublime l’ensemble.
4. « il y a longtemps un feu te consumait tu étais le soleil dans un ciel d’été nous faisions l’amour derrière le rideau de la fenêtre ouverte. » Peut-on faire tout un livre autour d’un moment unique ? Un moment qui encapsulerait, pour ces deux protagonistes, tout ce qui précède et ce qui inévitablement va suivre de leurs vies. Une vie entière, dans un épisode décisif. Une scène fondatrice, décrite jusqu’à l’épuisement. Prenons par exemple un baiser ; disons, un premier baiser, pour sa force symbolique et romantique. Dans l’instant du baiser, les pensées des deux protagonistes s’entrechoquent et se mêlent, comme les corps s’entrechoquent et se mêlent. Au moment même où les corps se serrent, où les bouches s’entrouvrent, chacun d’abord se souvient des évènements qui ont conduit jusqu’ici. Tandis que les lèvres se disjoignent se dessinent des possibles qui s’étirent jusqu’à faire une vie.
ah ben j’aime vraiment beaucoup la 1 et la 4, ai un peu de mal à visualiser les deux autres mais c’est peut-être moi qui manque d’imagination. la 1 est très proche d’une que j’ai manigancée mais bien distincte tout de même, à force de remuer les lieux avec FB, on se dit que les lieus commandent à merveille !…