Ses pieds nus, des pieds bruns. Les cailloux, les pieds bruns, sur le sentier qui monte. Derrière, la mer, doucement elle gronde. C’est la tombée du jour, le soleil tape moins fort. Moins fort qu’il a tapé jusqu’ici sur son capuchon noir. Dans l’inconnue fraîcheur du soir, les trilles d’un oiseau. Les pieds s’arrêtent pour écouter les silences entre chaque trille. Silence qui prépare le trille suivant, chaque fois différent. Silence irisé de l’oiseau, quelque part dans l’espace. Mais dans son dedans, grand silence blanc. Blanc comme le blanc de ses larges yeux qui brillent. De fièvre ? De faim. Assis maintenant au bord du chemin, à se demander comment faire pour continuer. Car il faut continuer. Se relève, recommence à marcher. En haut du raidillon, un panneau. Les lettres lui sont inconnues, c’est d’un autre alphabet que le sien. Continue. Finira bien par arriver quelque part. Nulle part, quelque part, de si loin venir ça se confond. La mer gronde et dans son ventre aussi, ça gronde, et dans sa bouche ça colle. Avance lentement, peut pas aller plus vite, pourtant jeune son corps, pourtant râblé. C’est une petite route maintenant, goudronnée, plus douce au cal de ses pieds. Les silences entre les phrases de l’oiseau, des phrases jamais exactement les mêmes, qui palpitent, qui chantent la vie en triomphe, envers et contre tout. Une odeur de friture. Friture c’est de tous les pays, ça, tous les nez reconnaissent. C’est d’un café que ça vient, où des hommes sont assis. Des hommes aux yeux petits, plissés, à force de regarder au loin sur la mer. Le capuchon noir apparaît sur la place, en face des petits yeux plissés. Il n’y a pas de sac, au dos du capuchon, ni à l’épaule du blouson. Rien. Les mains pendent, elles sont brunes. Les pieds sont maintenant blancs de poussière. Le capuchon noir encadre un visage à la peau noire, aux larges yeux dont le blanc scintille. Le merle trille. Il y a une fontaine au milieu de la place. De l’eau qui jaillit et qui chante. Doucement mais clairement. Va vers la fontaine. Aimanté. S’assoit sur le rebord, ou plutôt : se laisse tomber. Se penche sur l’eau, en remplit ses mains, en donne à sa bouche, visage baigné. Silence dans le café, plus personne ne parle, petits yeux braqués. Un étranger. Les larges yeux sous le capuchon, face à eux maintenant, sans ciller. L’odeur de friture. Faim. Soif. Humain. Qui ? Combien de temps. Peut quand même pas le laisser là. Le ou la ? difficile à dire, dans le jeans et le blouson. Et le capuchon. Face à face. Un certain temps. Dans le silence. Et puis, une femme est sortie, elle portait un bol et un morceau de pain. Elle est allée vers la silhouette tassée sur le rebord de la fontaine. Un bol, un morceau de pain, un visage. Les larges yeux allaient de l’un à l’autre. Les mains brunes ont pris le bol, les dents blanches ont mordu le pain. Aucun mot échangé.
Texte économe et fort.
rien de plus encourageant que ces quatre mots de vous, Louise. c’est la magie de ce travail qu’on fait ensemble sans se connaître. je vais aller à votre texte.
Ce texte est déjà un tout en soi, j’aime beaucoup ce silence où tout est demandé, tout est donné
mon dieu Sophie, vous me mettez un boule dans la gorge. c’est l’émotion. vite je vais voir le vôtre.
Oui, similitude dans la présence à un monde nouveau, sous capuche, avec animaux rencontrés avant les humains. Beaucoup aimé. 🙂