Manger sur le pouce ! Comment c’est possible de tenir en équilibre sur un doigt et surtout à quoi ça sert alors qu’il y a une table et des chaises dans la salle à manger ? C’est ce que se demande Bouboule du haut de ses sept ans. De même qu’avaler avec un lance-pierres, ça casse les dents. Pas d’accord non plus pour bouffer de la vache enragée, le plat favori de son grand-père qui a fait la guerre du Golfe et continue à y aller tous les week-ends avec ses copains. En revanche, manger du lion, un steak de lion bien saignant, ça fait grandir les garçons, bien mieux que la soupe. Quand il en a envie, Bouboule s’empiffre comme un cochon, avec les doigts non passés par le lavabo. Il sait très bien se tenir droit, mains sur la table, dos éloigné du dossier, il sait aussi se servir de sa fourchette et de son couteau mais seulement pour manger ses mots. Parler à toute allure, sans prendre le temps d’articuler, juste histoire d’énerver sa mère obligée d’expliquer à la famille « Quand il veut il parle comme un livre ! » Parler, ça ne mange pas de pain, surtout parler pour ne rien dire. Ce qu’il préfère c’est dévorer des yeux. Pas rissolés à la poêle dans un peu de beurre mais en brochette, au barbecue. Un œil bleu de sa cousine, une rondelle de tomate, l’autre œil bleu de sa cousine, un morceau de poivron, les yeux marrons de son frère, une tranche de courgette, les yeux glauques de son père, un champignon. Et tout au bout de la pique métallique, il enfile l’œil le plus rouge de maman qui a pleuré dans la salle de bain et croit qu’il ne l’a pas vue. Déposer le tout sur les braises, faites bien griller et dégustez. Depuis peu il a décidé de manger à la table qui recule, c’est pas facile surtout qu’il n’est pas très fort en course à pieds. Il en avait trop marre de manger comme quatre. Quatre quoi d’abord ? Maintenant qu’il picore comme un moineau, du bout des dents, son père le menace de manger des briques avec les chevaux de bois. C’est pas la première fois qu’il entend son père raconter des histoires bêtes à manger du foin. Celle du voisin qui a mangé la grenouille le dégoûte. Tonton Julien qui se laisse manger la laine sur le dos, il n’y croit pas. Pareil pour son arrière-grand-mère qui mange les pissenlits par la racine… Il n’y a que les taupes qui souterrainent. L’histoire du voisin qui a mangé son chapeau le fait rire. Il n’aime ni celle de tante Luce qui bouffe à tous les râteliers ni celle du prisonnier qui finit par manger le morceau. Ni entendre son père crier très fort qu’il adore manger du curé, mariné dans du vin rouge et des aromates pour l’attendrir avant de le faire mijoter plusieurs heures à feu doux. Mais ce qui l’étonne le plus, c’est pourquoi papa fait manger l’oreiller à maman. Toutes ces plumes, beurk !
Catherine Marchi
Bouboule a compris bien des choses et quel plaisir à redécouvrir toutes ces expressions..on en mangerait !
Très habille !