A son image, il les fit. A son image et non à sa ressemblance, précise-t-on. Le mystère reste entier.
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Si j’étais Dieu, je verrais peut-être d’un coup tous tes visages.
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Je me souviens de tes paupières lourdes qui te donnaient un regard en coin. Une lueur venue de l’œil perlait au bord de la chair fripée.
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Donnez-moi un œil, un nez, une bouche, je me débrouille pour en faire un visage de compagnie.
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Enfant, je dévisageais les paysages comme c’étaient des visages géants. Méplat bassin, arête versant, front surplomb, mâchoire falaise, tempes gorges, ridule coulée, lèvre ornière, narine crevasse, poil ajonc, sourcil taillis, joue combe.
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Je me souviens du visage d’une jeune femme dans le RER B. Un teint de lis si parfait que tout autour semblait souillé. L’évidence de sa beauté et puis, insidieusement, la pensée du saccage.
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Par une nuit électrique, un homme très saoul essayait de franchir un portail hérissé de pointes coupantes. Son corps était à moitié engagé et il braillait : au secours. Il a pris la main que je lui tendais et s’est rétabli tant bien que mal sur le sol cimenté. Il m’a dit alors, en tournant sa face rouge et gonflé : oh, comme vous êtes laide !
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La mort a affleuré par-dessous après un long travail silencieux et un jour, brusquement on ne te reconnaissait plus. On meurt défiguré, débarbouillé par un suaire corrosif.
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J’ai passé des années et des années à t’observer et pourtant je suis incapable de faire ton portrait. Tes traits s’effacent inexorablement. Une image de toi flotte encore quelquefois devant mes yeux, tandis que le décor tout autour, les sons, et même tes vêtements se détachent très nettement.
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J’aimais apercevoir ton visage se refléter sur la vitre du train. Il formait une fine pellicule humaine sur l’immensité nocturne.
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Je vois ton visage seulement comme un reflet qui accroche au passage l’éclat lumineux de mon petit monde.
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Devant le miroir, la question est : es-tu cela ? Vraiment ?