elle tout en haut à portée de ciel si ce n’était le grenier tête renversée dans le petit carré de fenêtre de la chambre mauve sur le bleu du ciel d’été qu’elle devine vibrant de lumière et de désirs sur le gris perlé de bruine et de vent mouillé sur le jamais tout à fait noir de la nuit pâlie d’étoiles de lune de lueurs citadines sur les odeurs les bruits les couleurs de ce dehors qui vibre autour d’elle dedans chambre-vigie dont la fenêtre, petit carré de monde, s’ouvre ou se ferme dans le divers de ses humeurs adolescentes et puis un jour liberté toute neuve en poche s’éloigner aborder absorber dévorer avec avidité le divers des paysages humains bus métro tram train voie A voiture 10 place 25 côté fenêtre dans le sens de la marche projeter le regard vers l’avant en surimpression dans le reflet de la vitre elle eux d’autres passagers un vieil homme une petite famille places à trouver valises à jucher sur son visage immobile dans le reflet de la vitre elle et de l’autre côté du miroir transparent un autre train sur la voie un autre voyage d’autres visages d’autres corps mobiles et silencieux soudain sensation bizarre de mouvement de quitter de s’éloigner et puis non fausse alerte elle immobile les wagons du train voisin défilent et avec lui les visages les corps de plus en plus vite disparaissent creusent un nouveau paysage le quai vide dans le reflet de la vitre elle voix féminine préenregistrée prenez garde à la fermeture automatique des portes attention au départ les rails qui s’ébranlent défilent doucement de plus en plus vite traverses ballast les rails se font et se défont balafrent le visage qui éclate dans le plein soleil le ciel blanc superposition des paysages arbres goudronnés maisons ensablées dans un bras de rivière d’une fenêtre à l’autre d’un voyage à l’autre d’un souvenir à l’autre dans le reflet de la vitre elle fenêtre sur zinc et ciel bleu ou gris ou nuit c’est selon elle allongée sur son lit petit bout de rêverie dans son dix mètres carré sous les toits à portée de ciel décidément à portée de toits de ville capitale d’autres fenêtres d’autres vies rêvées imaginées fantasmées d’autres carrés de fenêtres bords de mondes d’histoires il est tard maintenant elle la fille attend le bus sa mère à côté d’elle lui tient le bras la tient à bout de bras après l’hôpital service gériatrie elle la fille elle la mère dans le cadre inférieur de l’abri bus fenêtre sur la rue pressée affairée dont le regard croise celui d’une dame voûtée courbée cheveux blancs robe fleurie pâlie par l’éclat du soleil petite vieille fripée le regard d’une infinie tristesse elle ne sait pas qui regarde qui dans la transparence de l’abri puis sursaute comprend saisit la main de sa fille la serre chuchote comme j’ai vieilli
Magnifique ! J’aime beaucoup ces scènes de train, comme on retrouve ce qui nous est familier, l’emploi de Elle, et puis ce glissement sur le visage de la vieille mère. C’est si fluide, si bien mené, tout en délicatesse. Vraiment bravo!
Merci Catherine pour ce retour qui fait tellement du bien. Pour le coup, à la lumière de votre lecture j’ai légèrement modifié le titre sur lequel j’hésitais.