à nul moment je n’ai décrit votre visage, ni n’ai dit, prononcé votre nom, jamais dans les lignes, les traits d’autrefois, les rides devenues
c’est peut-être le temps à présent, de décrire l’un, et de dire l’autre, de creuser les sillons du temps
les visages, pas de visages, la mer au loin et deux corps qui avancent, démarches, grand brun et petit blond, et la jambe de l’aîné qui balance, la chaloupe : reconnaître la silhouette sur un tableau, un tableau là, trouvé là, sans visage visible, baissé sous la casquette
visage invisible, éternelle jeunesse
contre le muret, long corps élancé tourné pour toujours vers l’objectif, et moi de l’autre côté je regarde la photo jaunie, les mains larges et les grandes jambes et le nez au milieu du visage, le sourire à demi et les yeux longs qui fixent sans voir désormais, aveugles et sourds
bonjour / bonjour / la dernière fois c’était / c’était la dernière fois
à nul moment je n’ai décrit votre visage, jamais les cheveux ni les yeux, les yeux verts cheveux bruns, jamais les pommettes ni fossettes ni la bouche ni les dents de devant qui ne se touchent pas, se laissent de la place, ni le menton carré, ni la mèche qui flotte au front volontaire, jamais décrit cela, ni les traits, traits comme secrets enfouis là, très enfouis, très secrets, flottant au fond des âges
en finir un jour avec ce visage, paysage sans retour où je voyage
si je n’en finis pas, nous ne vieillirons pas : ni lui ni moi
Ah, oui, quelle trouvaille, ce bout de phrase qui va et revient… Ce texte porte. Ouvre… Photo superbe. Merci
Merci à vous, Anne!