… bah oui, c’est quoi son paysage ? et puis c’est quoi son métier ?… ok-d’accord, c’est pas comme si… oui, mais non pas que, ‘nfin, si, un peu mais bon… ‘nfin non mais bon… et puis, à mon avis pour moi… j’ trouve ça fort quand même de l’écrire.. en fait, ‘nfin, l’écrire, c’est quoi l’écrire ?… l’écrire c’est hyper flippant, quoi… enfin, j’trouve, parce que à mon avis, pour moi … oui, en fait, pour moi… ‘nfin, je dis ça mais j’en sais rien en fait… en fait, dans la vie d’un type, c’est le moment où, bon… parce que sa posture à l’architecte, c’est quoi, en fait ? …bah, oui, à la fois être au plus près de soi et en même temps comment il le fait… c’est aussi comment ça se construit tout ça… quelque part, y’a de l’haussmannien et tout ça, mais voilà … j’aime bien me dire que, que oui… là y’a tout, quoi… en fait, y’a en fait que… c’est à la fois un souvenir mais pas que… y’a plein de tout ça… j’ai un peu l’air d’y croire pas trop à tout ça en fait, mais y’a que… y’a qu’ils ont monté pas mal de trucs au même moment… alors, mais bon… mais voilà, à mon avis pour moi c’est de savoir comment ils les ont montées, voilà… ‘nfin, bon, je dis ça mais j’en sais rien, en fait..
Codicille : J’ai d’abord cherché ce qui, aujourd’hui, pouvait bien ressembler à ce Ah, ne m’en parlez pas ! J’étais partie sur des récurrences comme vous m’en direz tant / dame etc… mais quelque chose sonnait faux ; le sentiment amenant ce type de tournure peut encore exister mais le traduirions-nous de la même façon ? le vouvoiement à lui seul m’a semblé décalé, vouvoierions-nous une personne à laquelle nous renverrions ce vous m’en direz tant ! ; il m’a semblé que ce n’est plus ce que nous dirions naturellement aujourd’hui (banalité que d’ajouter que la langue orale évolue à vitesse grand V) ; j’ai donc fait le vide et j’ai essayé de retrouver la musique de langue orale (dont probablement celle de mes propres dérives) entendue un peu partout là où nos oreilles traînent. Là, ce sont tous ces mots, toutes ces tournures vides/creuses qui sont venues naturellement – bien souvent dans le relâchement syntaxique (faux ou travaillé comme un froissé chic) avec, en plus, les interjections, onomatopées… mais sans conteste avec leur propre musicalité ; tout est ensuite parti sans queue ni tête, juste l’envie de faire passer que l’essentiel des messages (porteurs de sens ou pas !) se perd au milieu de mots creux – dans le meilleur des cas, du lourd se perdant au milieu de mots creux, sinon des mots creux se perdant au milieu d’autres mots creux – de postures ? Il y a eu également la ponctuation à travailler et retravailler encore.
J’ai bien aimé comment ces mots figés, ces « voilà », ces « en fait », viennent rythmer le texte, comme une percussion très forte qui couvrirait le sens de ce qui cherche à se dire.
Merci, Vincent, d’être passé par là ; oui, la question est bien là – celle de mots vides que l’on entend davantage que ceux qui comptent vraiment et qui ne se disent pas, la question suivante qui me vient est : pourquoi ne parviennent-ils pas à se dire ? par une perte progressive de communication ?…
tout l’art réside à meubler des paroles vides … et c’est réussi
Merci de ce retour, Cécile ; meubler des paroles vides par des mots vides, oui, ce peut-être une interprétation ; j’essaie pour ma part de me dire que ce pourrait être également – et bien tristement – celle d’une voix qui ne parvient pas à s’exprimer – à voir…
Un avis critique bien construit pour éviter de se fâcher, et ça fonctionne à merveille, le petit peu d’haussmannien achève le portrait cruel qui s’en dégage,
Merci de ce retour, Catherine ; l’haussmannien est parvenu à se glisser là pour mettre une touche de concret à cet ensemble vide ; le portrait est-il cruel ? je me pose la question, le « ne me parlez pas de ça » de N. Sarraute était-il cruel ou faisait-il état d’un triste constat ? quoi qu’il en soit, c’est ce que j’ai tenté de faire passer – l’important qui se perd au coeur d’une montagne de futilité…
On entend le texte.. cruel, triste et drôle aussi (car nous sommes peu de choses..), j’ai beaucoup aimé aussi l’architecte qui se faufile là..
Merci de ce retour, Muriel. Je préfère penser qu’il est drôle ou triste plutôt que cruel ; je l’ai complété par un codicille depuis. L’architecte, oui, présent ici comme une trace d’un précédent texte, sans savoir vraiment ce qu’il en adviendra, il mettait un peu de concret dans cette abstraction de mots creux/vides.
ai souri… me suis vue écrire (en moins bien) ainsi sur une autre proposition