À l’entrée les fruits et légumes ; après, faisant façade, les jambons, qu’ils soient de poulets dindes ou cochons, et un alignement de viennoiseries sur trois étages, et encore sur un mauvais éclairage diverses compotes et confitures, un couloir de conserves, en vis-à-vis, des bacs de vêtements bon marché, couronnés d’un manège de cartes postales, tout étant aligné en direction des fromages qui paradent dans le magasin, comme un roi en son château, comme un but de Messi, ridiculisant les maigres yaourts emplis de flotte repliés vers chaque aile, et délivrant une atmosphère heureuse, doucement champêtre, dans toute l’épicerie.
Au delà de la ligne une accumulation de corps enchevêtrés veut sortir. En deçà des regards avides cherchent à entrer et élaborent une stratégie gagnante pour espérer s’asseoir. Le premier mouvement est de tout bloquer par une guerre de tranchées, chaque camp se dressant contre toute initiative de l’autre, mais les côtés sont toujours difficiles à tenir et ceux qui veulent entrer enfoncent les sortants par là, les rejetant au fond après avoir pulvérisé la frontière. Chaque entrant s’agrippe qui à un validateur, qui à une poignée, monte sur une poussette, écrase un pied, faisant curée de ceux qui voulaient sortir et les refluent vers les rangements bagage ou les écrasent aux vitres. Les portes se referment sur la ligne, le tram peut repartir.
Détendez… vous sentez une chaleur qui monte du profond de votre ventre un espace qui s’élargit la lumière intérieure prend naissance des doigts se relâchent les genoux s’affaissent vous êtes dans un espace libre de contraintes vous êtes pris d’une audace soudaine votre colère est grande d’avoir été si longtemps retenu vous sautez dans le vide en toute confiance votre nombril se lève et s’abaisse doucement vous ressentez une abysse sous votre poitrine vous plongez dedans votre estomac comme un grand poisson cette vision gardez là cette vision enregistrez là cette image de votre estomac prenez-là doucement généreusement dans votre main amenez-là à l’extérieur dans la paume de votre main commencez à pétrir doucement votre estomac ressentez l’aide concrète à la digestion caressez amoureusement votre estomac à l’extérieur vos bras levés comme victoire éclairez votre cœur vous pleurez détendez…
Vous prenez la première, laissez quatre rues, dégagez un immeuble magnifique puis laissez quatre feux et obliquez légèrement à un arbre vert que vous portez sur votre gauche, vous mangez un rond point, une boulangerie, un temple et là après avoir aligné un cinéma faites une descente sur Victor Hugo mais c’est assez long, et après le Pôle vous ne pouvez vous tromper, c’est comme papa maman, si vous me passez l’expression, oui, une expression ça se passe aussi, un bon mot et on tourne à droite, et on redit un proverbe, et on tourne un alexandrin, vous faites le commissariat et vous embranchez sur la bretelle et vous êtes arrivé.
Tourner, encore, tourner, tourner, tourner. Habituellement des places se libèrent après un moment, après que j’ai tourné quinze minutes mais ce soir rien et j’ai travaillé comme un bœuf et je rentre fatigué j’en ai marre je dois encore poser ma bagnole, mais pas de place pour me garer… Souvent quand je n’y pense plus que j’écoute la radio l’air de rien que il y a une qui se libère. Souvent quand je regarde pas il y a une qui apparaît. Souvent quand je compte jusqu’à 14 que quelqu’un dégage. Souvent quand j’ai pris un thé au petit déjeuner je vois qu’il y a plus de places pour me garer le soir. Je peux pas me garer. Aujourd’hui pire que hier. Je tourne, je passe, je passe, une place prise, une voiture déjà garée. Je passe, une voiture garée. Je passe, une voiture garée. Je compte même plus. Je dis que une, une, une, une, pas une deux, une, une. Je dis même plus rien, je dis u u u u.
Bravo, triple bravo. La 3 D et l’imaginaire des centres villes, et avec vous, on voit ce qui en sort, y compris l’estomac, merci pour ce paragraphe sur l’estomac, je faisais tout à mesure de la lecture. je referai encore et encore.