Il faut monter vers le village haut, tout en haut de la dernière rue, le long de la voie ferrée, à la sortie du tunnel de la ligne Paris-Toulouse, près du lavoir et du petit ruisseau qui dévale la colline. Il faut monter dans les combles de la petite maison en saillie de la pente raide, par l’escalier pentu. La pénombre à peine éclairée par une petite lucarne, des murs sans couleur, un lit à barreaux blanc trop petit, un deuxième lit collé au mur, une niche qui sert de table de nuit, sans doute un livre ouvert.
La chambre jaune, murs jaunes, rideaux jaunes, du sud et du soleil levant d’été, qui l’embrase un peu après huit heure quand les rayons passent le haut de la colline, la bergère et ses blancs moutons encadrés de rouge, le lit bateau en bois brun, le couvre-lit en patchwork de coton doux aux motifs bleus et violets sur fond blanc, les draps blancs épais et le traversin dessous comme un corps qui attend.
La chambre verte, des gens de passage, accueillante mais pas habitée, la grande armoire à linge, la lavande séchée et le savon d’Espagne.
La chambre bleue, le papier-peint bleu, les rideaux bleus, le lit bateau en bois brun. Le grand poster jaune. Sable, cactus et canyons, vignettes de cowboys et d’indiens, de chevaux et de tipis, le soleil qui sourit et les nuages qui le poursuivent.
Papier moiré vieux rose, moquette épaisse rose, alcôve du lit conjugal, lustres en cascade de pampilles de cristal étincelant, la bergère et ses moutons.
Sabatier, Foucault, Drucker, Roland Garros, Enrico Macias (il est beau), Chantal Goya et le soulier magique, la collection de mignonnettes dans le meuble en formica marron. Pas un lit mais un podium pour tout un peuple de poupées couvertes de vêtements en laine multicolore tricotés au crochet.
L’auberge du pont, la cage d’escalier sombre, laisser la porte en face, poursuivre vers le premier palier, un œil vers le fond du couloir, continuer vers le deuxième palier, prendre à gauche. Le grand lit et la table à maquillage, la boîte bleu roi de crème Nivea immaculée, l’odeur un peu suffocante de la poudre de riz généreusement appliquée, le tabouret moumoute orange, le tricot de crochet sans manche multicolore, les bras grands ouverts, la poitrine généreuse, l’amour.
La chambre bien tenue, premier étage à droite, vue sur la rivière un peu plus bas. Sobrement meublée, toute sa vie bien tenue. Timide à la porte. Immobile dans le lit, un fil de sourire, un signe de la main, le doigt tordu par l’arthrose pointé vers le tiroir de la table de nuit, le chocolat soigneusement emballé, la pièce de deux francs.
Le moteur qui tourne, la portière ouverte, l’odeur qui lève le cœur à la première inspiration, la banquette de velours ras à l’accueil ferme, les oreillers câlins encore chaud de la nuit.
beau…
merci François, belle nuit…
Les mots humbles sonnent juste. Et puis elles résonnent pour le lecteur cette maison et son habitante.
Merci Jérôme, elles sont multiples et unes ces maisons et ces habitantes. Ravi de cette fusion pour le lecteur.
En quelques mots nous sommes immergés. Les couleurs, les odeurs, les textures sont vivantes. Merci
Ce pseudo : vous êtes une enfant des enfers ?? Merci pour le compliment. Je prends soin à décrire la sensation.
On y est, dans ces chambres, dans cette maison…
Merci Elise !
Belle sensation que d’entrer dans ces pièces, amenées avec beaucoup de douceur
ça sonne juste. simple et vrai.
Je découvre vos textes; lus à rebours. Ils donnent tant à voir.
Ces chambres à la ronde leurs couleurs, couloirs… et s’endormir dans l’auto. Beaucoup aimé ( et les photographies rouges )
Merci Nathalie pour cette remontée dans le temps. Impossible de suivre toutes les publications du Tiers Livre, c’est un peu frustrant ! J’aime beaucoup vos textes et je n’avais pas pris le temps de vous le dire jusque là. Au plaisir de vous croiser un jour à Tours où j’ai dû voir beaucoup de vos décors !