autobiographies #06 | la chanteuse rock

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Traversée en train laisser surgir des lambeaux de mémoires, de menus souvenirs comme un pan de muret et se rappeler qu’il s’est passé, quelque chose dans la conscience, ou retrouver une parole, ou sentir le corps traversé d’énergie contradictoire, des forces latentes, rentrer tellement en soi-même, et  entrouvrir les yeux et regarder les lumières minuscules s’évanouir à la vitesse de cette carapace d’acier à l’assaut du temps, traverser la nuit, aller comme remonter le temps, sans histoire, passer une colline, imaginer derrière le village, l’histoire du village, regarder autour de soi et chercher dans le wagon l’éventuel habitant du village, imperturbable, le train ignore les Histoires Personnelles, le couloir éclairé quand même, transpire , les reflets sur les vitres et son visage qu’on évite, son corps que l’on perçoit plus en entier mais seulement par pans successifs comme s’il était découpé en morceaux. plus aucune unité, tu n’as pas pris le wagon-couchettte morne, tu préfères les sièges autour de toi, les lampes s’éteignent, tu veilles, tu descendra vers deux heures du matin ; tu n’ as pas pris de wagon-couchette, tu préfères les sièges, d’ailleurs tu arrives la nuit mais tu ne passes pas exactement toute la nuit dans ce train, ça te donne une raison de choisir la version siège. Parce que tu aimes ça, des dizaines de fois tu auras pris un train la nuit. Ton voyage commence bien avant le voyage, tu as même essayer de rêver plusieurs fois le voyage tel qu’il sera : les sons, les odeurs, tu as mis des musiques, des chants, pour essayer d’augmenter tes capacités imaginatives : tu sais très bien que tu iras au moins une fois au wagon-snack du train, que tu boiras ton café devant le paysage qui défile à n’importe quelle heure une fois, tu revenais de Marseille, et la mer a surgit d’un seul coup devant toi, entre les roches rouges de l’Estérel, la vitesse du train, la fugacité de l’impression, ta vie, le temps file, et le train exprime cela très bien : tu cherches : si ces sensations sont si fugitives pourquoi te plaisent-elles tant; Il faut avouer que tu es rattrapée par une sorte d’aplatissement de tout, et un jour, tu cherchais la saveur du voyage en train ; le wagon, il fallait se concentrer sur l’idée de voyage, d’aller vers l’inconnu ; il a eu ce voyage en train à côté d’un jeune homme qui faisait connaissance avec un couple un peu plus âgé, ils ont parlé, assez fort, tout le voyage ; c’était drôle, leur conversation ; tu n’as pas pu faire autrement que t’entendre des bouts de phrases, et ça te faisait sourire , il est descendu à Marseille, tu es sortie sur le quai prendre l’air, tu en profites pour voir ce qui a changé entre ce voyage et le dernier voyage, (tu compares), c’est drôle, tu t’arrêtes aux détails, si l’expression des gens sur le quai ou dans le wagon change, tu vas au wagon-snack, tu demandes ton café, tu souris un peu pincée, tu prends ton café et tu marches avec ton café plein, tu te dépêches de t’assoir pour ne pas le renverser, tu es devant la fenêtre, dehors, il fait un peu gris, avec des éclaircies, le soleil est quand même entre les nuages, tu fait attention à ton sac, tu as peur de l’oublier, tu as toujours peur d’oublier ton sac en voyage : on ne sait jamais, les maisons de la campagne, il en a quelques unes des bâtisses des années 60, comme jeu tu essayes de deviner quand elles ont été construites, qui habite dedans, quel métier font les gens qui les habitent, si c’est compliqué pour eux d’aller au travail, si ce n’est pas trop éloigné d’un centre ville pour les  courses, quelle vie ils ont, tu te dis que tu devrait écrire quelque chose sur le moment pendant ce voyage, et puis à quoi bon, il y a un petit air de Gilberto Gil qui te passe par la tête, comme ça, tu te dit que tu devrais un jour demander aux musiciens de jouer des chansons de Gilberto Gil, ça tranche sur le programme, mais pourquoi pas :  tu te dis : je n’ai pas besoin de changer quelque chose, tu viens de passer plusieurs mois à chanter dans ce bar, où tu vas finalement avec ton air de musique brésilienne dans la tête, qu’est-ce que ça veut dire, ils sont resté là-bas, à entrer dans les notes mais moi je suis partie, il a disparu comme ça du jour au lendemain, je suis entré dans la chambre : il n’était plus là et sans explication, on a attendu des jours, on a fait ce qu’on fait dans ces circonstances, tu es partie toi aussi.