Carnet de Lauretta

#10

Promenons-nous dans les bois, pendant que loup n’y est pas. C’est la liberté de vivre sa vie sans penser à autre chose. Un pas, deux pas, trois pas. Vivre pour vivre. Marcher pour marcher. Attendre pour attendre. Promenons-nous dans les bois, pendant que loup n’y est pas. Quand le loup sera là il faudra courir, se cacher dernière un arbre qui me fera disparaître. Je suis là.

#9

Ne pas s’attarder sur toi qui regardes le ciel depuis ma fenêtre et qui disparais comme ce nuage. Il faut oublier les détails et se noyer dans un flux de pensées ou un autre liquide. Ne pas attendre de toi que tu te retournes quand je ne serai plus au coin de cette rue que tu aimes encore. J’ai perdu le sens étroit qui me lie aux autres ; un sentiment d’étrangeté traverse l’espace.

#8

Jules Joffrin Max Dormoy Pablo Neruda Magdalena Frida Carmen Khalo Cleopâtre Philopator Anne Frank Otto Frank Hitler Michel Leiris François Mitterrand Marguerite de Rochechouart de Montpipeau Armand Barbès Pierre Charles Simart

#7

| Elle a deux béquilles dans un bus mais ne cherche pas à s’assoir | Je te croise le soir avec ton parfum sucré et ta veste beige pardon | Il chante dans mes oreilles et me suit de près alors j’ai peur de sa folie |

#6

J’ai lu ce détail sur ta feuille d’enfant, ce message, cet appel ? Elle parlait de son père et d’une tragédie, de sang et de séparation. Son père lui disait qu’elle n’était pas comme ses soeurs, elle. Il avait le regard fuyant, les yeux révulsés. Après les petites vacances, j’ai appris qu’elle était partie de chez elle pour aller dormir chez son amie. Le lendemain, elle est allée porter plainte et a raconté son histoire. C’était ma première année au collège.

#5

Ciel noir, en fait non. Je vois des nuages blancs qui deviennent gris à cause du manque de lumière. J’ouvre la fenêtre, une étoile appelle. Des lumières se sont allumées, les mêmes qu’hier. Un avion rouge passe. Les nuages blancs sont des fumées de cheminées sur les toits de Paris. Je les distingue à peine, elles flottent dans mon ciel devenu tout blanc cette fois. Le ciel était noir depuis la fenêtre de mon salon allumé.

#4

« Go go go le haricot ». Tu vois, c’est facile de se lever, de mettre un pas devant l’autre, de boire un café de plus. C’est joyeux la vie, non ? Le soleil se lève mais je ne vois que du gris. Paris-Amsterdam. Derrière ce pont, j’ai compris qu’il y avait des nuances de gris, comme de l’argent fondu ; une éclaircie.

#3

La nuit, sous des étoiles nordiques, un été. On regarde les étoiles et on parle de l’espace, de ce qui est plus grand. Il fait froid, je suis sur ton épaule ; on voit la même chose ; on s’endort presque. Il faut rentrer maintenant. Oui.

#2

J’ai oublié mon doudou, il s’appelle « mimi ». Il faut faire demi tour dans le noir de la campagne pour aller te chercher ; comment survivre sinon, être avec soi, dormir ? Le lien serait complètement rompu, impossible à reconstruire. Tu attends sous l’oreiller, petit, fragile. J’aime sentir ton odeur avant de m’endormir, faire passer tes oreilles entre mes doigts. Plusieurs fois, nous avons dû t’opérer, te recoudre avec d’autres tissus. Pour la première fois, je n’ai pas dormi chez moi et tu n’es pas parti avec moi.

#1

L’odeur de la mer sur un pont ou sur le Lungomare ; ça sent les algues marron qui s’entassent sur la plage, qui forment une colline bune qui bouge en même temps que les vagues. On pourrait presque escalader mais on n’ose pas de peur que cet amas ne cède sous nos pas.

Un commentaire à propos de “Carnet de Lauretta”

  1. gogogo le haricot, l’argent fondu doudou mimi parti c’est beaucoup gai c’est un peu triste la vie. Merci Laura.