#carnet individuel | Danièle Godard-Livet

41 Le carnet, c’est tendance !

Merci pour cette belle aventure collective.

https://www.lesmotsjustes.org/post/le-carnet-c-est-tendance

40 Pour écrire

ceci n’est pas une pub, juste un conseil

Écrivez et faites l’acquisition d’Antidote, le remède à tous vos mots.

39 Deux ou trois choses que je sais sur les secrets

Des secrets, j’en ai deux. Des assez gros secrets, assez gros pour avoir déterminé mon rapport au monde, le cours de ma vie. Peut-être trois. J’ai écrit sur l’un, pas sur les deux autres. Jamais je ne les dirai et personne ne les saura. Entre moi et moi qui ne concernent que moi. Même Martha ne les sait pas. Je n’ai tué personne.

Raconter ses secrets peut aider des lecteurs à mieux s’approprier leur vie. J’ai adoré La vie clandestine de Monica Sabolo qui m’a parlé de ces années-là, de leurs espoirs et de leurs illusions. Mais Nathalie Ménigon n’a rien à dire, pas plus que Florence Rey.

Les recherches généalogiques habituent à la découverte des secrets des autres sur leurs origines et le cours de leur vie. Misérables secrets qui non contextualisés peuvent pourrir la vie sans rien apporter que doute et fragilité. Il faut malaxer les secrets, les travailler, les élaborer, les intégrer à une histoire et une époque. C’est une quête, une enquête. Il faut être prudent avec les secrets.

Dire un secret peut libérer, peut-être. Il ne dit jamais toute la vérité.

38 Reset

Je me fâche très fort dans mes rêves, je dis leurs quatre vérités aux gens ; au réveil, ça fait du bien. Souvent aussi c’est un ascenseur défectueux dont le plancher tangue, n’arrive pas exactement à l’étage, ou trop haut ou trop bas. Ça ne se décroche jamais, c’est très insécure et désagréable d’autant plus qu’il est inenvisageable de gravir trente-deux étages à pied. Si j’habitais encore une tour, je développerais sûrement une phobie des ascenseurs. Rêver, c’est le contraire de ruminer. Le bouton reset fonctionne, ça métabolise, ça assimile dans le confort d’une digestion sereine. Longue parfois, des décennies, quand je rêve encore que tu me trompes. Salaud !

37 Festina lente

Festina lente, je ne sais où nous avions trouvé cette phrase mes frères et moi. Nous en avions fait la devise de notre cabane. Nous devions déjà apprendre le latin. Le sens ne nous convenait pas vraiment ; à 10 -12 ans a-t-on envie de se hâter lentement ? Elle était sans doute suffisamment courte pour être peinte ou pyrogravée (on était très pyrograveur à l’époque) sur une planche de dimension moyenne. Festina lente, nous dont le jeu d’alors était de bombarder les assaillants — la cabane avait un étage auquel on accédait en se hissant sur le bras entre deux briques plates qui en faisait le plancher, jamais nous n’avons construit l’escalier projeté- de boulets de terre malaxée mouillée et juste essorée. Festina lente, cela nous semblait sage et profond, cet oxymore. Une devise pour la vie, sans doute pas, mais le goût des paradoxes et des antithèses certainement, du doute et de la critique des sources et pour longtemps.

36 Vous avez dit routine ?

Remplir la bouilloire, la mettre sur sa base, remplir la cafetière, 3 cuillerées pointues, allumer la radio (guillaume Hermer ou Nicolas Demorand selon le dernier écouté, verser l’eau sur le café, dans les bols, appeler l’autre ou attendre qu’il appelle, manger ou ne pas manger, c’est selon, jeter un oeil au téléphone (whatsapp, SMS et messenger, google alertes, TTSO c’est le soir. Relire de temps en temps Thierry Crouzet J’ai débranché, être consciente de la dépendance et du gain de temps, commencer la journée. Vider le lave-vaisselle, étendre le linge, passer le balai, monter dans mon bureau, allumer l’ordinateur (y compris la prise multiple dont j’éteins désormais la veille – nouvel effort pour économie d’énergie), lire les mails, écrire ou lire, ce matin Lissieu au 18e siècle, hier Aïkido à Lissieu, demain texte de commande « comment construire un nid pour une chauve-souris ». Promener le chien, se dire qu’il faut absolument terminer Nathan Hill Les fantômes du vieux pays (cadeau fait à ma fille par une amie que je dois avoir fini pour son départ) et attendre plus tard, peut-être qu’il m’ennuie un peu ?

….

Mais la journée continue, pleine de surprise, de découvertes et de rencontres, une nouvelle sorte de pommes chez Vival, la vendeuse qui sourit, le prof de Qiqong qui sort de sa routine et montre une variante de huit pièces brocard « frapper avec les yeux de la colère » se fait désormais mains ouvertes et non poings fermés, oh ! dans le pré un nouveau cheval tacheté, un nouveau chien jamais rencontré ou est-ce son maître que je ne reconnais pas, une poule au riz ! c’est merveilleux, où les trouvez-vous ? C’est si rare les poules à cuire désormais ! vous avez vu EO, j’ai trop aimé la séquence avec le routier polonais, pas vous ? Trop bien ce routier polonais, pas mal le curé défroqué aussi. Adoré et les effets spéciaux faits à Chennai, c’était au générique, sur une île déserte je crois que je m’ennuierais si j’avais juste chatGPT pour causer avec moi (encore faudrait-il que j’ai l’électric, le courant je veux dire). La France a gagné, tu me dis, la routine, c’est ça. Bonne nuit.

Appaloosa léopard, c’est le nom du cheval à la robe tâchetée. J’ai repris pendant la sieste la lecture de Nathan Hill, comment à quanrante-six ans parler des années 68 de ses parents ? Sexe, drogue, violence et cheveux longs, ce n’était pas que ça pourtant, autre chose, quoi ? Il fait la liste de ce qu’il a lu dans ses remerciements. Limites de la documentation. J’ai fait le texte sur le nid pour chauve-souris. Il faut que je m’attaque à un autre texte de commande : une installation dans les jardins d’Etretat. Entre temps, j’ai promené le chien sous la pluie, battante, qui déborde, coule sur les chemins et a même fait renaître la source disparue depuis six mois.

….

Rédigé les jardins d’Etretat. J’y ai placé ma référence à Auguste Morisot, le peintre envoyé en accompagnement d’une mission sur l’Orénoque en 1886-1887 qui en revint tellement marqué que cela inspira toute sa vie ses décorations intérieures et ses vitraux. « Coucher de soleil sur l’Orénoque » dans l’escalier de mon grand-oncle, je le revois encore m’avait dit le vieux monsieur que j’écoute parfois avec lassitude, tant il est bavard. Avec le nid à chauve-souris et le parcours photogrpahqie pour Andrézé (commune de Beaupréau en Mauge) j’ai bien voyagé et rien fait pour moi.

35 Lost in translation

Il y avait bien longtemps qu’elle ne citait plus de mémoire (l’avait-elle jamais fait), même le titre des livres qu’elle venait de lire ou le nom de leur auteur, bien longtemps qu’elle avait appris à dire très naturellement qu’elle ne reconnaissait pas les gens (la mémoire des visages lui échappait depuis toujours pour cause de prosopagnosie), mais le jour où elle s’est perdue dans sa banlieue, elle a su qu’il se passait quelque chose d’inhabituel et de grave. Martha a consulté et répété dans l’ordre avec succès la liste des mots du spécialiste château, vin girafe, couteau, vélo, mais pris rendez-vous pour dans trois mois.

34 de la Tourette

— C’est ouvert, il y a une dame dans le petit kiosque chauffé et éclairé.

— L’exposition est fermée le lundi, je n’ai pas de visites guidées aujourd’hui, vous ne pourrez voir que les extérieurs.

(Protestations, résignation. Un autre groupe arrive et l’on se dit qu’à huit… Négociations, sont venus de loin, avaient vu que c’était ouvert sur Google, disent que ce n’est inscrit nulle part fermé le lundi.)

— mais c’est ouvert, je suis là !

33 Ensemble vide

La tourette

Il y a longtemps je rêvais de créer un atelier d’écriture qui allierait pratique de l’aïkido et pratique de l’écriture. Quel meilleur état pour écrire que ce vide créé par la fatigue physique, l’oubli des soucis quotidiens, la purge de la colère qui me tient trop souvent, le plaisir qu’il y a à se confronter au réel ! Mais rapprocher amateurs d’art martial et apprentis écrivains et c’est l’ensemble vide. Alors parfois quelques exercices de respiration et un peu de marche peuvent suffire.

32 Dialogue avec les morts

Épigénétique, psychologie transgénérationnelle, ils te disent que les morts sont en toi, agissent à ta place. C’est pas ta faute ! C’est eux qui te pourrissent la vie, et puis ce monde trop grand pour toi qui te rend impuissant. Tu as tant à faire pour porter leurs histoires, leurs blessures, leurs manques de courage, leur inconscience. Pense à ceux qui ont eu le courage, qui ont lu, appris, réfléchi, agi. Arrête de gémir, bouge, écris leur histoire si tu ne sais faire que ça, fais-en tes modèles et venge-les au lieu de t’apitoyer sur toi.

31 Transfuge de classe

Mon mari préfère L’amie prodigieuse, j’ai un faible pour Annie Ernaux. À quoi donner la primauté, les faits ou ce que vous font les faits ? La littérature doit-elle raconter le déroulement des faits ou n’est-elle pas le lieu où peuvent s’exprimer les émotions au plus près de ce que le réel fait à l’être qui écrit. La colère peut trouver une expression sociale, mais où dire la honte cette expérience intime que seule peut rendre la littérature ?

demain le podcast sera peut-être différent

31 bis

Mon mari préfère l’amie prodigieuse, j’ai un faible pour Annie Ernaux. Qu’est-ce qui importe ? les faits ou ce que nous font les faits ? La joie ou la colère peuvent trouver une expression sociale, l’angoisse et la peur vont bien au cinéma, mais où dire la honte cette expérience intime que seule peut rendre la littérature ?

30 Chazay-d’Azergues

Celui qu’on appelle le « freloniste » déclare qu’il continuera son combat contre le frelon asiatique malgré les piqures qui ont mis sa vie en péril lors de sa dernière intervention. Le frelon asiatique, pattes jaunes et cul orangé, niche haut et discret, c’est ce qui le rend si imprévisible et dangereux. Ennemi des ruchers, il devient une menace pour l’homme. La traque , passion très chronophage, est devenue activité principale ; elle réserve tant de découvertes passionnantes !

29 « le beurre apporte la douceur« 

j’aurais pas dû et pourtant je me sens si légère depuis, légère et importante jamais je n’avais osé (c’est tout juste si j’ai osé te le dire ce matin) c’est encore un secret qui n’a de conséquence que pour moi ou plutôt ce double qu’on appelle l’estime de soi je n’aurais pas dû m’infliger cela et pourtant je l’ai fait j’en suis tellement contente

28 faire le tour de la terre n’y suffira pas

Martha sent bien que ce n’est pas normal d’avoir peur des opérations les plus simples de la vie comme se connecter au site de sa banque ou à celui de sa mutuelle d’avoir peur d’avoir oublié ses mots de passe de craindre ce qu’elle va y trouver d’angoisser d’être piratée se répéter qu’il faudrait le faire mais ne pas le faire pensées envahissantes pensées redondantes que rien ne calme si ce n’est la marche la déambulation la mise en mouvement de ses jambes comme si cette agitation-là calmait celle de sa tête jusqu’à ce qu’une autre inquiétude s’empare d’elle faire le tout de la terre ne suffira pas

27 Avec des bulles

J’ai rêvé, moi qui ne rêve jamais : un monde fou à la maison, allongés entre couvertures et coussins, je voudrais participer, parler et boire avec eux, mais j’ai perdu mon sac et je le cherche compulsivement ; ils-elles me regardent en souriant. Quand je m’arrête pour une coupe de champagne, les bouteilles sont vides. J’attrape J.T. et je lui dis que je ne veux plus la voir chez moi, que son regard condescendant m’insupporte. Légèreté de champagne au réveil. Mon sac est là, J.T. ne vient jamais chez moi.

26 Une journée ordinaire

Émerger dans le flou et la culpabilité, d’avoir perdu son temps hier en recherches sans résultat, de négliger son roman, d’appréhender leur départ… quels remuements de l’esprit, quels signaux extérieurs ou faiblesse de l’ensoleillement pour produire cet état ? Soleil d’hiver, givre et lumière pour tout changer, proposition, problème réglé, ça repart, en plus gai. Torpeur du soir pourtant à l’heure où se couchent les poules. Pleine lune ou presque. Qu’est-ce qu’il y aura à la télé ce soir ?

Rédigé par IA Le net et le flou sont des techniques utilisées en photographie, en vidéographie et en graphisme pour produire des images avec des effets différents. Le net permet d’obtenir des images plus claires et précises, alors que le flou, lorsqu’il est correctement appliqué, peut ajouter une touche artistique et dramatique aux images. Le flou peut être produit en modifiant l’objectif d’une caméra ou en appliquant des effets de flou à l’image numérique après capture. Le net et le flou sont des techniques complémentaires et peuvent être utilisés en combinaison pour produire des effets intéressants.Aujourd’hui, célébrons une journée internationale consacrée à la communication sans adjectifs. Une journée destinée à encourager le dialogue et la compréhension entre les personnes et les cultures, où l’on se concentre sur le partage de pensées et de sentiments sans adjectifs. Une journée qui invite les gens à reconnaître leurs différences et à cultiver la tolérance, la compassion et le respect. Une journée pour s’unir dans l’espoir que le monde devienne un endroit où chaque personne est écoutée et comprise.https://beta.openai.com/playground/

25 faire un feu

avoir froid — rêver de chaud — chaud aux pieds — chaud aux mains — chaud au cou — anticiper le froid — s’étonner de le supporter — surtout s’habiller chaudement — n’avoir jamais trop chaud — et même aimer avoir trop chaud — parfois pas vraiment froid juste besoin de douillet — s’y laisser glisser — accumuler les couches jusqu’à étouffer de chaud — on n’apprend pas à avoir froid — on n’imagine pas le très grand froid (-50 °C) — on ne le sent pas paraît-il — surtout ne pas partir seul — faire un feu

24 Attendre

attendre le retour du courant toute la matinée, ENEDIS annonce une reprise pour midi. C’est fou tout ce qui manque sans électricité, lumière, chauffage, eau chaude, internet. Vivre sur pile dans son lit avec un gros livre (celui que je commence compte 953 pages !), attendre la lumière du jour comme une répétition générale des coupures à venir, s’en réjouir même comme d’une prise de conscience tout en sachant que rien ne restreindra plus jamais la soif et la faim d’électricité. La machine à laver redémarre, c’est fini.

23 Mesurer l’immensité

Deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents, seize arrière-arrière-grands-parents, je ne connais personne qui, de tête, soit capable de parler de ces seize-là qui font pourtant partie d’elle ou de lui. D’ailleurs connaissez-vous toutes les règles pour écrire en lettres les nombres ? Et quand, dans un texte, faut-il écrire les nombres en lettres ? J’aime les enfants à l’âge où ils sont fiers de savoir compter jusqu’à 100 ou 1000 et rêvent d’aller jusqu’au million (1 000 000 ?).

22 abandon

Je l’ai fait, sur un beau banc de pierre en allant au cours de Qi Qong. Il était encore là quand je suis ressortie et je l’ai replacé dans une petite niche au-dessus du banc de pierre. Le plus dur, c’était de choisir lequel, un de ceux qui comptent, un de ceux qui encombrent les rayonnages depuis que j’ai commencé à acheter des livres (les jalons de ma vie, injetables), un des miens, écrits par moi. J’ai choisi le plus simple dans un acte mélangeant abandon et promotion. Bonne route à lui

21 changer de monde

Au lieu de prendre le bus, je prendrai un stoppeur dans la voiture (ou deux, combien en faut-il pour équilibrer le bilan ?), je prendrai l’habitude de l’habitacle habité, je créerai un espace de co-voiturage et un groupe whatsapp avec les voisins, ensemble nous créerons une appli pour mettre en relation offre et demande avec des arrêts et des horaires adaptés aux besoins, ce sera la flotte agile, le nouveau modèle des transports en commun. Partants pour me suivre ?

20 la carte et le liquide

J’avais de l’argent liquide, la base dans les ventes associatives, sur les marchés aussi, encore que… de moins en moins. Ils avaient le petit terminal qui permet de payer par carte, trop heureux de s’en servir même s’ils ne savaient pas faire le reçu qui s’envoie par SMS. J’ai payé par carte, trop heureuse d’éviter les billets (qui se coincent dans la fermeture éclair de mon porte-monnaie et les pièces qui s’éparpillent quand j’oublie de la fermer). Le liquide serait le réel et la carte la réalité. Peut-on payer son psy par carte ?

19 vente d’huitres

On n’a rien à se dire, chaque fois il me salue d’un sonore Bonjour Mme Godard-Livet qui en dit long. Me pose la question de savoir si j’y étais, bien sûr, on n’était que quatre ! il a vu la photo dans le Progrès, check avec le correspondant du Progrès, hyperactif cet automne, achète un reblochon et du beaufort aux enfants du club de basket, ils sont en 6e, très vendeurs, on a aussi des huitres et des crevettes et des bulots, trop d’invités et les huitres à porter et à ouvrir, ils peuvent les ouvrir, pas demandé s’ils pouvaient les porter.

18 Guyane

« Le sentier se glisse dans le sous-bois en un boa terreux, sinue entre tiges et racines en direction de l’orée. Huit kilos sur le dos, Mathurine foule les feuilles et la boue, le pas lent dans l’air moite. Cris gutturaux des ortalides dans les hauteurs boisées, chant des grenouilles allobates planquées au creux des souches, hurlements d’alarme des piauhaus, elle saisit les sons de la faune comme l’alphabet d’un autre monde, tente de déchiffrer les signes qui s’échangent en forêt. »Colin Niel Darwinep.16 Éditions du Rouergue

Il y a des mots que je ne connais pas ortalides = oiseau, piauhaus = paypayo, oiseau hurleur, allobates = allobate fémoral, c’est une grenouille ; savant, pourtant ne m’apprend rien sur l’ambiance de forêt tropicale (bois, boisée, souche, forêt, orée, tiges et racines). Essai de réécriture : Des feuilles, de la boue, des cris qui montent de la terre et descendent des hauteurs ralentissent la marche de Mathurine avec ses huit kilos sur le dos. Elle écoute sans rien voir et ne sait pas déchiffrer….Effectivement la chercheuse découvre l’immensité de son ignorance deux lignes plus loin.

17 planter des arbres

Planter des arbres nombreux, sur les carrefours dans les ruelles dans les rues, ne laisser entre eux que des pistes cyclables, faire de la ville une forêt où l’on se déplace à pied, laisser se développer les repousses, la forêt se régénérer d’elle-même, ne plus ramasser les feuilles à l’automne, attendre que le tapis se dégrade, empêcher la récolte du bois mort et ne permettre qu’un feu de joie annuel pour brûler le surplus, observer la faune qui reconquiert la ville..

15-16 le doute et pas le temps

J’ai été prise d’un terrible doute, devais-je proposer mon carnet dans l’ordre chronologique ou antechronologique, un doute pareil ça vous coupe l’inspiration et l’envie d’écrire, bien sûr j’avais des idées pour la 15 et la 16, la 15 ç’aurait été des expressions québécoises car je ne suis pas sortie jeudi mais j’ai un québécois à la maison pour paser la mop, me dire que ça goûte le paté de foie gras et qu’il va s’en venir, la 16 ç’aurait été il s’habille en quetchua chez Decathlon et c’est à ça qu’on le reconnaît et qu’il est français mais le temps m’a manqué pour développer l’idée, alors je me suis dit que j’irais lire ce que faisiat les autres pendant que j’allais au cinéma voir St Omer, tellement dense , tellement boulversant, tellement sujet de discussion que je me suis couchée sans écrire en pensant qu’il fallait regarder tout ce que fait Alice Diop, le temps passe si vite quand on pense à autre chose qu’à écrire, alors pourquoi pas le faire comme François Bon au fil du clavier et de l’esprit plein de doutes et sans tenir compte des 480 caractères. Et j’ai ecrit une 17, pareil au fil de rien. Et là je pars au rendez-vous « rencontre déjeuner avec vos conseillers municipaux » de 9 à 12 h salle des associations, des projets pour embellir la ville ça va leur parler et j’aurais peut-être un café croissant. Ma 17 quand même, elle est prête.

ça c’était la 1

Ils arrivent cette nuit, ma fille et son compagnon. je ne l’ai jamais vu. Ils sont ensemble depuis 4 ans et je ne l’ai jamais vu qu’en photo ou vidéo. Il devait passer par Berlin pour voir un ami et faire une marche en Fimlande, mais il est malade. Il rentre d’Inde. Covid peut-être ? J’ai préparé leur chambre, les auto-tests et les masques. Ils arrivent ce soir, très tard. je l’ai appris hier dans la nuit. Je n’irai pas les chercher à la gare, ils viendront en taxi.

Vie minuscule

L’eau qu’on a fait bouillir, la peau qu’on lave au savon, qu’on rase et arrose de bétadine, le bruit du bistouri qui entaille le cuir, le silence, l’incroyable beauté des viscères luisants, dernière entaille, une tête encapuchonnée de lambeaux gluants, on tire, le corps est là tout entier, un coup œil sur le sexe avant de bouchonner, lui recoud les couches une à une, espérant que la nature fera bien les choses après lui. Sur son front, une goutte de sueur.

À la fin de sa vie, avant qu’on porte le diagnostic et qu’il quitte la maison pour la maison de retraite, il revenait sans cesse sur ce souvenir d’une bête qu’il n’avait pas sauvée. Trop tard, appelé trop tard, arrivé trop tard, il en pleurait, tentait de se justifier, en portait encore le poids. J’ai lu depuis que les vétérinaires se suicidaient trois à quatre fois plus que la population générale, deux fois plus que les soignants en santé humaine, plus que les agriculteurs : souffrance des animaux et de leurs maîtres, maltraitance des propriétaires, pratique de l’euthanasie, solitude et impréparation, médicament dans le tiroir pour guérir définitivement de la fatigue émotionnelle.

Rumination

Isoler, isolation par les murs, isolation du toit c’est fait, mais l’isolation des murs il faudrait le faire ; j’ai vu, plus possible de vendre ou de louer une maison de coefficient F, isoler, il faudra isoler ; quelle isolation choisir et combien ça coûte d’isoler des murs, trouver les artisans et subir un chantier qui dure, isolation impérative, à prévoir ; la facture d’énergie qui s’envole. Je pensais avoir des pensées charmantes au réveil et si je ne me lève pas tout de suite, je vais passer ma journée à ruminer isolation. Debout, café, muffin beurre et bon dimanche.

Bay City

Pas de brouillard ce matin. Fond bleu layette, plafond moutonnant que le vent fractionne. Le ciel de Bay city, Mavrikakis, Madonna.Ciel blaffard, lueur au couchant, touches informes de nuages plus lourds. Etre pilote de ligne et voir au-dessus. Poursuivre le soleil ou s’enfoncer dans la nuit.

Les Pinet de la côte du Mas

Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que ce hameau s’appelait Pinet sur la carte de Cassini (1754), ce hameau qui s’appelle désormais la Côte du mas, mais dont je sais (dont tout le monde sait) qu’il était habité autrefois par les Pinet de la côte du Mas, à ne pas confondre avec les Pinet du bourg. Tout le monde vous le dira, c’est même la première chose que l’on vous dit à propos des Pinet : il y a les Pinet du bourg et les Pinet de la côte du Mas.

https://www.lesmotsjustes.org/post/lorsque-le-hameau-du-mas-%C3%A0-lissieu-s-appelait-pinet

14 novembre, mauvaise pioche

le matin, sa petite bouille exclue de l’école pour maladie, se frotte les yeux, mouche et fièvre | pas mieux les grands covid et masques, tous les deux | Petites promenades avec le chien | le voisin alzheimer et son chien à qui on fait juste un signe de la main, il ne parle plus | Papa et Maman en visio, trop fatigués pour reprendre le petit | Heureusement il y a la lecture du soir « les Dubronchon et leur Dubronchette », ça a quarante ans, mais ça marche toujours | Justement Maman attend un bébé et on agrandit ma maison.






#08 Dénombrement

Voysin Voisin Damour Bunand Cinquin Bouchet Brisson Dufournel Carelle Fleurdelix De Charrin O’Mahonny Tourret Philipon Archimbault Boissier Lambert Guyot Grange Delachaume Laferrière Sebillotte Guerville D’Adamo Ziad Amoros Oberger Oberlay Decrenisse Delay Lazzaron Berne Perissel Ferlat Vianay Trollier Mermier Perrin Chavanis Chaine Lacrotte Galle Gindre Dumortier Teixeras Nathaniel Meyselle Leclercq Cherif Dejonghe Duchamp Millière Durosier Royret Jacquet Thibaud Briard Berjon Napoly Pinet Delorme Berret Pailleron Clément Matheron Reverdy Saignant Rivoire Murat Charité Bernard Balayé Lampin Lebeau Bertani Farjat Vernassière Clément Borde Bertillon Fade Scharf Corbignot Burnier Tavernier Combet Favre Mayoux Vernay Accary Gouin Virenque Magniny Beroujon Cusin Souzy Michel Chappuis Durand Bourdelin Bony Bouchard, Beluze Chaffange

Procrastination

vert et jaune

Ne pas s’attarder sur cette demande qu’on m’a faite par mail, imprécise, mal formulée, d’une personne qui ne s’exprime jamais clairement ; en prendre argument pour ne rien faire ; pourtant le mail est toujours là dans la boite de réception et j’y pense ; ne pas s’attarder, mais le garder en mémoire, culpabiliser même ; ce serait facile, juste décrocher le téléphone et demander cette attestation, j’y pense toujours à l’heure où les bureaux sont fermés, un poids de plus, ça reste et demain ce sera encore là.

Viol-Haine

pavé jaune

Pendant que tu parles, j’élabore ma question, tandis que tu réponds, je prends l’atmosphère de la salle, pendant que tu argumentes, je pense que j’ai bien fait de ne pas la poser, tandis que je vois leurs mines ravies, je cherche une réaction positive et construite, tandis que tu parles, je bous intérieurement, pendant que tu conclus, j’attends que tu offres un moment pour les questions. Quand tu dis Violaine, c’est Viol-Haine, l’inconscient qui parle, je me tais.

Compétences langagières

Montage DGL paysage mental

Lire et écrire, écouter et comprendre, réagir et dialoguer, parler en continu, telles sont les compétences langagières attendues des élèves. De l’école matenrelle à la tombe. J’aime bien parler en continu.

Lire et écrire, pas vraiment l’impression d’activités en lien : lire c’est s’évader, découvrir le monde, les autres, écrire rentrer en soi, ramener du dehors, confronter le dehors au dedans; dedans — dehors plutôt un va et vient, je ne lis pas pour écrire et je n’écris pas en lisant. Souvenirs de longues plongées dans la lecture, jamais de vastes plongées dans l’écriture; parfois la même intensité concentrée sur de courtes périodes. Dialectique pourtant. De plus en plus de facilité à écrire, de moins en moins à lire, tant de déceptions pour quelques pépites. On dit que je lis beaucoup, j’ai l’impression de lire de moins en moins, d’écrire de plus en plus et d’avoir du mal à parler en continu dans le brouhaha des débats.

12- Y a quoi dessous ?

Peaki Blinders par le club Rivatoria

Dessous, il y a la vie de tous les jours toujours fertile en microévénements. Aujourd’hui par exemple, j’aurais pu prendre la longue balade faite avec ma fille à travers près (avec vaches) et bois pour aller boire un café au village d’à côté, la machine à rendre la monnaie de la boulangerie, le choix des gâteaux rapportés pour faire dimanche (ce qu’on ne fait jamais), la dame que je ne reconnais pas, mais qui connaît le nom de mon chien et lui dit bonjour, l’aventure du club photo d’un autre village qui a mis en série photo les Peaki blinders : costumes, bijoux, maquillage, accessoires, choix des lieux, choix des lumières ( trois ans de travail avec le covid ), l’amie photographe que je retrouve à l’exposition et s’est fait voler hier tout son matériel, la cuisson des châtaignes que je prépare pour le soir (et qui m’oblige à plusieurs aller-retour + une alarme). Plus le visionnage intégral de la visite au Louvre de Straub et Hulliet, une découverte absolue et le réconfort des mots de Cézanne sur Courbet que j’adore. Il y a tout ça dans une journée qui peut faire histoire.

Ou alors, une longue phase de documentation, de recherches, de collages de liens sur la page blanche, d’amorces de mises en mots, de mises à l’écart, de retour aux sources, de découvertes complémentaires, d’abandons d’hypothèses, de rectifications, de contrôles, jusqu’à ce que l’idée se forme fluide, vivante et claire. Synthétique en phrase simples.

Des souvenirs personnels, pas vraiment, je les tiens à distance peut-être ou bien ce n’est pas mon sujet, peut-être. Des lieux parfois, des faits, ce qu’ils m’ont fait au plus profond jamais. Émotions, sentiments, angoisses, certitudes, c’est là le vrai dessous qui éclaire le dessus, enfin je crois. Les raconter enlèverait leur profondeur, leur statut de fondement de ce que je suis qui n’est pas qu’un ramassis de petits secrets ou d’émotions communes. Quelle présomptueuse je fais !

13- Image du jour

Jusqu’à midi ce rade est crade, tout y est : cendriers non vidés de la veille, rares clients devant un petit blanc au comptoir, odeur de vieille bâtisse dans son jus et pénombre ; on peut y prendre un café croissant en terrasse, c’est-à-dire sur le trottoir au bord de la nationale, plutôt bon. En fin de matinée, les bonnes odeurs de cuisine et la clientèle de jeunes travailleurs 2.0 transforment le lieu en restaurant de quartier branché, bondé.

14-une seconde

La seconde où vous sortez dans le jour finissant, elle va chercher la voiture, il prend ses béquilles, l’arc-en-ciel est là intense sur le ciel noir au-dessus des repousses de tournesol en fleur. Novembre de fin du monde.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

81 commentaires à propos de “#carnet individuel | Danièle Godard-Livet”

  1. je retrouve un fragment « personne d’autre que moi » lu dans le carnet collectif sans décrypter les initiales. Etonnante impression : il m’était très bien resté en tête.
    Visages en impressions ordinaires, bien pregnants. Merci !

  2. Bonheur d’entrer dans ce journal comme, ce serait indiscret de dire dans une vie, mais comme si la vie y ricochetait en touches textuelles, touches de lumière (l’instillation des images y joue aussi son rôle)
    (en #08 Dénombrement, c’est un plan de cimetière ou bien je me fourvoie ?)

  3. ce qui est présomptueux, Dainèle, c’est de t’imaginer que ce « plus profond » ne transparaît pas – il est là, on le voit, c’est lui, c’est toi. Merci du partage, donc.

    • Merci Piero, grand connaisseur de l’âme humaine. C’est la fonction de la grisaille et cette proposition m’a permis de comprendre un peu pourquoi il était inutile de raconter ma vie et mes tourments intérieurs présents ou passés (question que je me pose souvent quand meme). Merci aussi pour l’astuce de planification que je commence à maîtriser même si j’hésite toujours sur le jour et l’heure à choisir.

  4. planter des arbres et s’accompagner chacun d’un arbre cela ferait une belle chorégraphie. merci Danièle pour cette forêt urbaine

  5. Dénombrement je ne sais pas quel est le registre mais on aurait pu faire de même devant un monument aux morts – c’est ce à quoi j’ai pensé en lisant la longue litanie

    • Il s’agit d’un recensement de population de 1836. En tant que généalogiste amateure, c’est mon archive préférée : voir qui vivait avec qui. Les cimetières renseignent moins (sauf sur la date de décès).

  6. je bosse aussi avec les archives de recensement, une mine d’or en sociologie et généalogie, de beaux départs vers d’autres histoires !
    et chaque texte en demie-teinte et nuances personnelles ou universelles, j’aime beaucoup me promener ici Danièle, merci !

    • Merci Nathalie. j’ai du mal à lire ce qu’écrivent les autres (et toi aussi), il faut m’en excuser, j’ai la tête ailleurs (ma fille est là… si rarement). Je fais mes 480 signes à peu près chaque jour et c’est à peu près tout.

      • oh mais profite de ta fille (et puis on est pas obligé de faire le tour des lectures ) tenir le carnet c’est déjà formidable

  7. Bonsoir Danièle,
    c’est votre texte #20 hier soir qui m’a fait écrire le mien hier soir aussi, en forme de réponse (ce n’est pas le fragment choisi pour la compilation) vous verrez que le premier fragment renvoie au votre, et qu’un lien si on l’active fait un petit effet dans votre texte ou quand les carnets s’emmêlent, s’en mêlent,
    https://www.tierslivre.net/ateliers/carnet-individuel-catherine-serre/

    Merci de la piste donnée hier, et belle expérimentation demain dans les ruelles de Lissieu,

  8. Rétroliens : carnets individuels | Catherine Serre – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer

    • A la douzième génération (autour de 1600 pour moi), cela fait 2 puissance 12 ancêtres, soit 4096. Vertigineux.
      Ceal se réduit si les ancêtres se sont déjà mariés entre parents, ce qui n’est pas vraiment rare.

  9. Je comprends mieux. Texte sensible pour mesurer l’immensité. Aimant beaucoup la généalogie et ce que mes propres recherches m’ont permis de méditer, tes textes résonnent. Merci Danièle.

  10. j’aime vraiment beaucoup ton carnet Danièle, il est très émouvant
    ce format court te sied très bien, c’est nouveau pour moi qui connais tes nouvelles… et j’ai chaud aux joues de te lire au coin de ton feu 🙂

    • Merci françoise. je trouve aussi ces exercices très plaisants… même s’ils me mettent à distance de mon projet de roman en cours et presque achevé que je traîne à retravailler et envoyer à des éditeurs.

  11. Super bien ton #25. J’arrive à lire un peu chacun-e, mais pas beaucoup. J’ai bien aimé ton texte sur la communication sans adjectifs. Je vais lire ton carnet entier, il m’accroche bien.

  12. Je (re) découvre ce carnet (déjà lu mais oublié de le dire ici — ma tête fait des siennes…
    Pour le programme télé : rien, comme d’habitude — le foot m’exaspère.
    Médusé par ce qui a été rédigé par IA — je ne connaissais pas (doit-on craindre pour nos carnets ? 😉 )

  13. De ces inquiétudes qui nous font tourner en rond, dans la tête et dans la marche, sur lesquelles se projettent le scénario de notre quotiden. Belle déclinaison. Merci Danièle.

    • Merci Jean Luc. j’ai lu la tienne et perçu la même volonté de ne pas dire JE mais d’attribuer les angoisses à une force extérieure ou à un personnage. c’est tellement intime les angoisses… bien que nous ayons tous et toutes les mêmes.

  14. Touchée par cette Martha dans #28. J’aime beaucoup l’hétérogénéité, traces de recherches, mouvement dans ton carnet: passage à l’écriture en IA, un personnage qui affleure, etc !

    • jamais je n’aurais extirpé ça de ma mémoire sans François. J’ai pourtant en tête le parfait plan de la cabane en machefer qui servait plus ou moins de remise à outils en bas, à côté du poulailler.

  15. Un cheval contre une vache Danièle et nous aurions pu nous croiser ( à La Tourette) il s’en est fallu de peu. Nous serions-nous reconnues ? 🙂