Une grande assiette de faïence blanche avec un liseré rouge, posée sur le plateau sombre d’une table. À droite, pliée dans une serviette blanche en papier, une paire de couverts. Au centre de l’assiette, des frites et, en dessous, dépassent deux knacks orange vif. Aussi, au sommet de l’assiette, sur la table, une coupelle transparente remplie de ketchup et un bock d’une bière ambrée.
Assis sur un des fauteuils gris fer, j’attends ma correspondance. Impossible de s’allonger. Des appuis coudes en alu séparent chaque siège de la rangée. SDF passez votre chemin. Installé ici pour surveiller sur l’écran l’annonce du quai de mon train. Très en avance. Le long du mur jaune, un distributeur réfrigéré de boissons et de pâtisseries industrielles. Mon sac sur les genoux, je somnole. C’est l’hiver. La nuit froide est déjà tombée, pas envie de traîner dans le quartier. Quelques autres voyageuses et voyageurs autour, ils attendent aussi. Tu as débarqué, sans doute par la bouche du métro à quelques dizaines de mètres. Tu as peut-être abordé les autres puis, mon tour est venu. Bonjour vous auriez pas une cigarette. Je ne sais pas si j’ai sursauté, en tout cas je me suis réveillé, un peu perdu. Tu as répété ton bonjour, vous n’auriez pas une cigarette. Ta voix mécanique. Yeux vides, moi comme transparent. Non. Tes joues un peu rougies par le froid. Tu portes un survêtement aux couleurs pastel : vert, jaune, violet, des baskets blanches et un sac à dos noir. Je te regarde continuer ton manège. Tu trembles un peu. Je quitte mon siège, empoigne mon sac. Je te rejoins et te tire par le bras. Viens, viens avec moi. Allez viens. De la surprise dans ton regard, tu me suis. Je t’entraîne à l’extérieur, on traverse le boulevard pour s’engouffrer dans un bar tabac. Tu fumes quoi ? J’achète un paquet, un briquet et te les donne. Tu veux manger ? On s’attable dans le coin le plus abrité de la terrasse. Personne d’autre que nous et le serveur. Je te regarde fumer. Je te regarde photographier l’assiette saucisses-frites ketchup et ton bock. Je te regarde manger. Je te regarde boire. Merci. Pourquoi. Je sais pas. Je veux pas savoir. T’as pas faim toi. Je me lève, je prends mon sac, je laisse mes dernières pièces sur la table. Vite la rue. Je me retourne : toi, devant ton assiette qui me regarde, téléphone posé. Merci. La gare, le quai, mon billet, le train, ma place. Bientôt l’Est.
Réconfortant.
OUI
c’est extra, tu ne l’a pas vue la photo, donc ? j’aime bien. On ne sait pas non plus si c’est fille ou garçon, à part la couleur des habits, encore que ça ne veuille rien dire, j’aime bien. Et savoir tout de suite le bon geste d’amitié, fraternel. Merci beaucoup.