#photofictions #03 | c’est du jus de pastèque

Plus personne ne photographie les autres dans leur environnement naturel sans prendre de risque. Si, parfois quand ils sont bien bourrés dans un bus, un peu angoissés et qu’ils ont besoin de parler. Parler à la photographe qui est là et rigole avec eux.Il doit y avoir pas mal de vodka dans le jus de pastèque. Ils sont trois, ils sont touchants. Lui va signer un contrat de travail un CDI chez Lidl, elle l’accompagne et puis il y a un copain muet qui ne communie pas au jus de pastèque ou en a déjà trop bu. Lui s’appelle Nino, elle s’appelle Salomé. Ils font peur aux enfants sur la banquette d’à côté, la petite fille au serre-tête et le garçon à lunettes. Il ne faut que quelques instants pour savoir qu’il n’a plus la garde de son fils, qu’elle est sa nouvelle petite femme et qu’elle ne travaille pas parce qu’elle perdrait l’allocation adulte handicapée.

Mon appareil photo c’est mon prétexte, ma manière de rentrer en contact avec les gens.Et ça les fait parler, très vite en peu de mots, des bouts de vie. Je suis une voyeuse qui en plus des images aurait aussi le son, le texte dans les bulles. J’aime ça. Je les retrouve le lendamain, ils sont à jeun sans jus de pastèque. Elle est vraiment très jolie et je me demande ce qu’elle trouve à son Nino et de quel handicap elle peut bien souffrir. Ils vont à Fontbarlette et s’étonnent que je ne connaisse pas. On m’apprendra plus tard que c’est le quartier chaud de Valence.Je me fais mes histoires toute seule brodant autour de ce qu’ils m’ont dit et qu’on ne verra pas sur la photo.

On passe près du centre pénitenciaire et c’est leur copain taiseux que je prends à la dérobée. Comme un avenir…