(ce portrait) qui physiquement s’était donc dressé au détour d’un couloir blanc d’exposition et proposait à l’observateur tel une évidence ces trois silhouettes claires ne se détachant pas vraiment du fond festonné épais d’un feuillage dense semblait-il d’une lourde étoffe brocart de velours vert foncé aux reflets bleutés rappelant les nuances de la chemise de coton pâle usée du père et de sa fille, celles du fard à paupière léger faiblement irisé de Luba ; tous les trois me regardaient à présent dans cette sorte d’enfoncement naturel obscur tandis qu’à Milan dans la pièce unique qui me servait de salon salle à manger cuisine et atelier de dessins – atelier de jeux aussi quand les enfants étaient petits – j’avais rangé tous mes carnets pastels à huile et stylos dans une poche en papier de façon à mettre un peu d’ordre car j’attendais la visite d’un ami peintre Dans cette attente j’avais ouvert la fenêtre, je regardais le ciel de nuit je rêvassais… Aux châteaux de cartes balles souples, constructions en plastique ou en bois multiples qui jonchaient dans ma mémoire, notre intérieur, les tapis d’un vieil orient multicolore où les bras et les mains les têtes des petits d’hommes s’étaient appliqués ou laissés aller au milieu du passage de certains animaux domestiques archaïques démasqués pendant ce temps que sous un viaduc de la capitale un marais ponctué de poussées plates aquatiques aurait lui recouvert une terre irrégulière et sauvage spontanée laissant apparaitre un mobilier succinct épars presque fantomatique un feu tantôt éteint tantôt allumé des vêtements des jeux là aussi disséminés (Mon ami avait du retard il devrait me remettre pour une revue l’élaboration de notre conversation autour de sa pratique artistique retranscrite sur papier) ;
Alex parle souvent à la famille avant de photographier de loin le feu allumé attisé par Piero Il (le feu) jette clairement des étincelles pareilles à des lucioles qui en réalité peuplent de façon surprenante tant elles sont nombreuses le marais sans doute un peu affolé gentiment ébahi lui aussi Angela s’en revêt la nuit (à Milan dans le quartier chinois où j’habite la lune pleine semble rentrer dans la maison); aux murs de la construction en béton sous laquelle la famille se réunit : des inscriptions, ébauches de lignes- signes d’une préhistoire ; éloignés d’elles : un fauteuil bariolé, des bidons, des paniers, des tables et une grille à cuire où des aliments ne vont pas tarder à être posés et cuits ; le père appelle Angela qui court agile vers lui dans un bond au son d’un air gai italien; en sa périphérie l’étendue marécageuse se divise en espaces aménagés circonscrits fixés par la photo puis doucement élargis au drap plus ou moins lourd ou léger du feuillage environnant au souffle enveloppant des êtres et de la nuit et dont le peintre Joachim Patinir génial contemporain d’Albrecht Dürer aurait pu se saisir mais lui d’une visible hauteur dans un rendu identique à ses toiles les plus célèbres ayant par ce simple fait – celui d’une vue surplombante – comme incarné une sorte de veille douce sur un paysage visage une tribu étale endormie Sans guère parler Alex montre à Piero, Luba et Angela les divers tirages des jours précédents dans un échange parfois semblable à une de ces veilles muettes ; il leur dit qu’ en prenant ces photos il en arriverait presque à oublier étrangement son appareil- une Silvestri – sur son trépied ;
Bonjour sandrine
Merci pour ce beau texte foisonnant ! Un moment de lecture bien agréable.
Merci beaucoup Fil!….