L’Islande est une île. C’est écrit sur son nom français pour qui lit l’anglais. Une île, et un pays, donc elle n’a a priori que des frontières naturelles et évidentes, la limite entre la mer et la terre. Mais vous êtes arrivés en Islande en avion. L’avion a passé la vraie frontière, vous l’avez vue en regardant par le hublot, la frontière écumait, les vagues blanches venaient s’écraser sur le sable noir. L’avion s’est posé, vous avez posé les pieds sur un sol qui n’était pas encore vraiment islandais. Pour être vraiment en Islande, il faut passer le guichet de la douane, donner son passeport et le récupérer avec un tampon officiel, ainsi que son bagage à main fouillé par l’œil d’une caméra. Ensuite vous avez pu sortir, l’une d’entre vous est passée à la librairie acheter un polar islandais qui parle d’un temps pas si ancien ou les avions se posaient sur la base américaine, donc en Islande, mais aux États-Unis. Le polar ce sera pour ce soir, au gîte, une fois que vous serez fatigués des immenses étendues sans arbres et des coups de vent de ces paysages qui vous coupent le souffle. Vous êtes allés vous balader sur cette fameuse faille, cette frontière entre les plaques américaine et eurasienne, cette faille qui fait de l’Islande une agrafe géologique entre deux mondes. Aussi l’endroit où se réunissait l’AlÞingi, plus vieux ou au moins un des plus vieux parlements démocratiques du monde fondé en 930, en ces temps où la frontière entre gestion des affaires courantes et préoccupations religieuses n’était pas encore devenue poreuse. Rêveries historiques. Le soir vous irez au restaurant manger du poisson, du poisson péché dans la limite des eaux territoriales, une morue descendante de celles qui ont connu la guerre de la morue entre pécheurs islandais et anglais et qui se sont vues nager tantôt dans les eaux territoriales islandaises, tantôt dans les eaux internationales au grés des déplacements de cette limite à 3, 5, 12 puis 50 miles. Ou comment les lignes dessinées sur les cartes s’immiscent jusque dans la cuisine, décidant si le poisson va finir en fish and chips plutôt que séché et grignoté en en-cas avec du beurre. Mais il est déjà tard, même si par ici, pas très loin sous le cercle polaire, le soleil dort moins qu’ailleurs, vous, vos petits yeux se ferment. D’autant plus que dans ce bar où vous êtes allés passer la soirée, vous n’entendez que de l’islandais. Et c’est une langue que vous ne connaissez pas. Certains sons sont nouveaux, prononcé du bout des lèvres ou du fond de la gorge, sifflotés ou mâchouillés. Et même pour les sons que vous reconnaissez, l’agencement vous est étranger. Alors vous souriez, vous parlez avec les mains, puis vous essayez l’anglais, et ça marche, vous pouvez parler, avec des Islandais, un parlé commun posé comme un pont au-dessus de la barrière de la langue.
Belles variations sur ce thème.
Merci Juliette
Merci pour la lecture surtout !
J’y étais, ces mots ont aboli le temps de la lecture les frontières de l’espace. Merci.
Parfait, alors c’est que les mots ont bien fait leur boulot. Et merci pour la lecture
Tellement intéressants ta façon de présenter cette île, ton approche personnelle dans la description, le texte, la forme, tel ou tel détail, vision, on retrouve ta patte. Beaucoup aimé, Juliette, merci.
Merci Anne. Pas facile de choisir quoi épingler, heureusement pour ça, la proposition aide 😉
Merci Juliette pour ce beau texte sur l’Islande ! Concernant le nom, je ne crois pas, qu’il contienne le fait que ce soit une île. « Is » (ou « ice » en anglais) signifie « glace » et « land » signifie « pays », donc « pays de glace ».
Merci pour ta lecture. Et oui, bien d’accord pour le nom, mais pour le texte, mon explication d’île, si tirée par les cheveux soit-elle, convenait bien mieux 😉
Ah oui, vu comme ça, en effet 😉
donne envie d’en savoir plus sur ce pays dont j’aime les polars. Merci
Même chose pour moi, donc pas impossible que cette envie soit un jour comblée 😉
Et merci pour la lecture