Que dissimule l’éminemment, le trop visible ? Qu’y a t-il derrière moi? Qu’y a t-il sous la trappe ? Qu’éclipse le premier plan? Que cache la porte fermée ? Sur quoi donne la dernière des portes de l’enfilade? Où mène de jouer au passe muraille ? Qu’y a t-il sous les couches du palimpseste ? Poursuivre jusqu’à buter.
Pourquoi imaginer l’intérieur des plis de la vie des autres lorsque la description, forcement incomplète et subjective de leurs univers domestiques, produit déjà un imaginaire infini? Pourquoi ne pas imaginer les replis de la vie des inconnus ? Pourquoi ne pas mixer les deux registres ? Entremêler les niveaux de narration, les proches, les lointains, les autres.
Comment la vie souterraine, invisible, d’une ville en construit-elle sa perception ? Vaincre la difficulté d’être à l’aise dans tunnels, souterrains, en deux mots sous terre. Qu’y a t-il à découvrir au terminus d’une ligne de transports publics ? Réitérer ces expériences en affinant l’observation.
Pourquoi ne pas construire une somme de portraits individuels depuis une foule, pour dessiner le portrait d’un quartier ? Pourquoi ne pas se servir des visages, des allures, des attitudes, des gestes et rythmes des passants, lors d’une sortie de métro, par exemple, pour décrire un quartier ? Multiplier les accumulations, les arrêts sur image, les étages de flux.
Pourquoi ne pas développer l’absence de souvenirs, le flou des images retenues, et utiliser ces fragments d’impressions, ces disparitions plutôt que chercher la précision pour écrire? Pourquoi ne pas mettre en corrélation la perte de repères spatiaux avec la mise en branle de l’imaginaire, quelque peu affolé par l’absence d’éléments connus dans l’espace? Pourquoi ne pas aller jusqu’au manque de vocabulaire, le bredouillement pour écrire sur l’inconnu, le trop connu ? Plonger dans les trous noirs dans le continuum mémoriel, la confusion et la déroute.
Se poser la question de l’influence, de l’imprégnation du lieu même de l’écriture sur l’écriture ? Se poser la question des influences de l’Histoire, des références littéraires ou cinématographiques, de la température … d’un lieu sur un texte en création ? Et même de l’influence des anciennes rencontres humaines dans une ville ? Considérer que je ne rêve pas de la même manière selon là où je dors.
Pourquoi ne pas ajouter de nouvelles règles formelles telles fixer une quantité maximum de mots pour tenter de cerner l’essentiel, partir d’un seul verbe à répéter comme un leitmotiv ? Ouvrir une thématique à partir d’une catégorie de fonction ?
Utiliser les chiffres, développer les séries, penser aux groupes informels.
Pourquoi ne pas revisiter un trajet familier pour récolter de nouveaux éléments, adopter un regard un peu décalé sur mes habitudes et pousser des portes des endroits considérés comme insignifiants, banals, ou utilitaires ? Ou décortiquer un objet proche ? Me permettre de penser qu’il n’y a rien à craindre de partir du plus près de moi.
et encore…
Se figurer à de la place la caméra, définir où elle se situe, se déplace : savoir d’où j’écris. Se jeter à corps perdu dans les questions jusqu’à ce qu’elles construisent quelques affirmations. Laisser le récit entamé au milieu du guet. Dresser des listes de grands et petits rituels (vrais et faux, aucune importance). Partir d’un fait divers et imaginer une suite, voire mieux, plusieurs versions de suites. Reconsidérer l’identité propre des no man’s land, des zones frontières, des limites territoriales. Penser la ville comme des strates de présents et d’après qui deviendront des avants. Imaginer les avants et les après d’un jour clé, les jours où il n’y a rien que la veille, les jours où le lendemain n’est pas encore là, où le mois suivant n’existe pas encore, mais viendra.
Alors là ! Un texte cadeau. Y revenir souvent. Est-ce squelette à votre chantier ? Merci grand.
Pourquoi ne pas, sa trouvaille, ce que ça ouvre. J’ai aimé particulièrement « le flou des images retenues, utiliser la disparition plutôt que de cultiver la précision pour écrire ».
Merci de cet écho Anne. Ce ne serait pas (encore) un chantier mais des pistes qui se sont ouvertes durant ces #40jours, des désirs à poursuivre…
J’aime beaucoup, votre tour va dans les infractuosités de nos traversées, les variations des sols que nous avons parcourus, belle suite !
Merci pour toutes ces questions qui restent des pistes pour nous tous!