La silhouette du château se dessine, massive et sombre sur la haute colline qui surplombe la vallée. A sa gauche, camions, voitures, motos roulent à l’infini le long de la grande artère déglinguée. Elle traverse la vallée alors que la nuit tombe. La lumière de l’hiver délave le trottoir qui prend des teintes jaunes clair par endroit et paraît enrober les troncs de longues coulées de miel. Les branches tracent une toile autour du faisceau du réverbère. Au centre, une grande araignée dorée veille et redessine les contours du sol et des murs, se nourrit de formes et de couleurs qu’elle dilue comme on sucerait le corps d’une mouche. La ville est noire, bleue et rouille. C’est une ville d’hiver. En bas, dans la vallée, la Bièvre enterrée clapote peut-être. Elle passe sous cette maison. Derrière le portail condamné, un immense terrain se devine. Elle s’y glissera un jour comme elle pénètre dans les maisons, comme elle arpente les terrains vagues. Les portes et portails sont faits pour être ouverts et les grilles et murs escaladés. Le métal froid sous la main, le grincement sourd. L’ombre du parc à gauche, plus loin, les vitrines éteintes de la bibliothèque, plus loin la fontaine et le théâtre. La ville est familière. Elle descend encore en fond de vallée. Dans le théâtre éteint, l’odeur poussière des rideaux lourds, l’odeur crème du maquillage, l’odeur plastique des justaucorps, la chaleur électrique des spectacles de fin d’année. Dans la bibliothèque fermée, le rayon des contes, des bandes dessinées à la tranche dorée, le rayon des romans de science fiction à la tranche argentée. A gauche, le cinéma, à droite la piscine. Avec ses petites maisons basses, pour certaines condamnées, la ruelle encrassée qui y mène a des airs de zone, où laisser voler un grand ballon rouge. Elle est au fond de la vallée, au centre d’une vaste cartographie intérieure constituée au fil des années. Elle s’arrête et au ras du sol, le petit corps s’élance et surplombe la ville. Là les vastes bâtiments collectifs de la cité X, ici la cité Y, ici la cité Z, plus loin les quartiers pavillonnaires. Au sein de chaque quartier, un appartement, une maison, un intérieur, les booms, les fêtes, les devoirs, les soirs d’hiver, de printemps, d’été, d’automne, d’hiver encore. La rue monte en pente raide le long du Coteau. Dans les sentiers pavés obscurs, le pas résonne au-dessus de canalisations enterrées. L’eau circule et alimente les réservoirs du Sud de Paris. La silhouette du pavillon en meulière apparaît, seul point de lumière dans le quartier. Elle entre. La musique résonne et le brouhaha joyeux des voix. Elle parle et danse, et garde en elle le silence et les secrets de la traversée nocturne dans la ville endormie et bruissante telle un sous bois et aussi : la hâte de repartir.
« Dans le théâtre éteint, l’odeur poussière des rideaux lourds, l’odeur crème du maquillage, l’odeur plastique des justaucorps, la chaleur électrique des spectacles de fin d’année. Dans la bibliothèque fermée, le rayon des contes, des bandes dessinées à la tranche dorée, le rayon des romans de science fiction à la tranche argentée. A gauche, le cinéma, à droite la piscine. « Merci pour ce tissage intérieur où vieille une grande araignée entre Bièvre( clapote) et Sud de Paris.
Merci Nathalie!
Le ballon rouge, toute mon enfance, merci Marion.
Et la collection argentée présence du futur! 😉
Rétroliens : #40jours #40 | L’impression très joyeuse de la connaître / pour un art poétique narcissique – Tiers Livre | les 40 jours