Tu n’as pas d’autres choix, il faut que tu manges, tu n’as rien avalé depuis ce matin, il est temps de te nourrir, sinon tu risques de faire un malaise. C’est un phénomène récurrent en ville, quand tu cherches une boulangerie, plus moyen d’en croiser une. Il n’y en a soudain plus dans les parages. Tu uses d’un subterfuge, en regardant les gens que tu croises dans la rue, plutôt que les enseignes de boulangerie, de traiteur, qui semblent invisibles désormais. Tu fais attention à ce que les passants tiennent dans leurs mains. Et si tu aperçois un papier enrobant un sandwich, une baguette, tu devines qu’une boulangerie est toute proche, en fonction de leur direction, cela te guide pour trouver le chemin du commerce tant recherché. Il t’arrive même de dépasser ta timidité et de leur demander, quand le temps presse, qu’il est urgent que tu déjeunes enfin, où ils viennent d’acheter leur pain, leurs croissants. La boulangerie est une pâtisserie qui fait traiteur, tu t’en approches, il y a la queue, plusieurs personnes attendent leur tour dehors. C’est agaçant mais en même temps la preuve de la renommée du lieu. Cela pourrait également s’expliquer par la pénurie de boulangerie dans le quartier, mais tu n’as pas le choix, il faut rester confiant. La faim te tenaille. Tu ne peux pas repousser l’heure de ton repas. Tu entres. Tu ne sais pas ce que tu veux manger. Il y a tellement de choix, de sandwichs différents, de salades assorties, de pâtisseries appétissantes, tu t’interroges sur ce que tu as envie de manger. Tu te décides sur l’option menu, avec un sandwich, une pâtisserie et une boisson. Au moment de commander, le ballet des serveuses derrière la vitrine achalandée, t’agace un peu, elles s’affairent en tous sens, les clients derrière toi commencent à se faire pressants, tu les sens s’agiter dans ton dos, mais aucune serveuse ne te regarde pas, ne lève les yeux vers toi. Il y en a même une qui s’adressent soudain à une personne derrière toi pour lui demander ce qu’il désire. Et moi ? as-tu envie de lui dire, mais rien ne sort de ta bouche. Interdit. Une suivante s’approche d’un autre client derrière toi. Tu lui coupes la parole lorsqu’elle s’adresse à lui pour reprendre la main. C’est mon tour, as-tu envie de lui dire d’un ton sec, mais rien ne sort encore une fois. Tu commandes un sandwich rillettes cornichon, accompagné d’un éclair au chocolat noir, ils ont un assortiment impressionnant d’éclairs au chocolat dans cette boulangerie, éclair au chocolat au spéculoos, à la vanille, au café, à la noisette, à la pistache et au chocolat noir. Pour la boisson on te demande si tu préfères de l’eau plate ou gazeuse, tu optes pour le second choix. Une San Pellegrino, ça vous convient te demande la serveuse ? Tu réponds oui, soulagé qu’elle devance ton souhait pour une fois. Elle te tend un ticket. Il y a tellement de bruits dans le local étroit et sombre que tu n’entends pas ce qu’elle te dit. Tu attrapes le ticket au vol. Il y a un numéro écrit dessus. Tu t’approches de la caissière qui ne te regarde pas, qui discute commande avec ses collègues, le regard dans le vide. Tu lui tends ton ticket pour qu’elle te considère enfin, s’occupe de toi. Elle répond oui, la commande arrive et vous pourrez payer ensuite. D’autres clients derrière toi te dépassent pour payer. Tu ne les vois pas faire, ils te cachent leurs gestes, mais tu entends d’étranges bruits de machineries sonnantes et de pièces trébuchantes. Ils sortent de la boulangerie. C’est ton tour de payer. On te tend un volumineux sac en kraft contenant ton menu. Tu comprends qu’il faut que payer en introduisant ma monnaie dans le monnayeur juste devant toi. Tu t’exécutes comme si tu jouais aux machines à sous, introduis chaque pièce, les unes après les autres, dans la fente. Le décompte de la somme due s’affiche sous tes yeux. Compte à rebours inversé. Tu sors manger dehors, au soleil sur un banc à l’écart de la circulation.
(bon appétit !)
Merci Piero, mais comme tu peux l’imaginer je l’ai déjà mangé et s’il y a quelque chose que je n’ai pas bien digéré c’est le service (le sandwich, oui par contre, de son côté l’éclair était divin !).
et encore, on n’est pas en août (pour trouver une enseigne ouverte…) – merci à toi
Merci Philippe, j’apprécie le choix de la deuxième personne.
Merci Irène, la deuxième personne vient souvent en premier lorsque j’écris, ça oscille souvent entre je et tu.