#40jours #26 | petites vacances

Olga deeva (sous licence gratuite Unplash)

Quelque part dans le 89

Ils sont revenus sur leurs pas parce que pas certains d’avoir bien fermé la maison. Absents quelques semaines, c’est ce qui est prévu, mieux vaut vérifier les volets et le fonctionnement du système d’alarme même s’ils peuvent compter sur les voisins. Zut, y ont perdu une demi-heure, mais sont partis tranquilles. La veille elle a passé l’aspirateur dans le camping-car, lui a nettoyé les vitres. Elle a rangé des provisions dans le petit placard, lui a ajouté un carton de bouteilles de Chablis. Elle a préparé ses revues et mots croisés, lui ses cannes à pêche. Et puis partis en direction de l’Auvergne. Ils s’accordent bien d’habitude dans ces projets itinérants qui les conduisent dans des coins nature comme ils disent. Faut pas grand-chose pour être heureux. Ils ont tout l’équipement, un GPS pour circuler, des portables pour joindre les enfants, même une télé qui marche plus ou moins bien. Ils ont l’impression de voyager, de voir du pays. Ils rencontrent d’autres gens, font l’apéro, jouent à la pétanque. Après l’Auvergne, ils ont traversé l’Ardèche et puis une partie des Cévennes. Elle a appelé sa fille à Courson-les-Carrières pour lui parler du paysage austère, des rivières profondes, du temps magnifique, du ciel bleu fort, de la chaleur. La nuit ils entendent les roches craquer, les arbres se fendre.

Quelque part à la frontière du Gard et de l’Hérault

Ils ont poursuivi la route du sud, se sont engagés sur la RD25 dans des gorges boisées où vivent certaines espèces d’oiseaux protégées. Ils s’arrêtent au bord de l’eau, un renfoncement propice contre les falaises au lieu-dit Les Forces. Fin de journée caniculaire. La rivière offre une cascade continue sur toute la largeur, environ deux mètres de haut. Transparence verte. Tout ce qu’il faut. Leur camping-car est garé à côté d’un autre plus petit avec un toit rouge brique. Après un bain réconfortant, ils font connaissance. Un type seul. Ils installent des tables et des chaises. Pas besoin d’auvent, le soleil vient de passer de l’autre côté du versant. Les insectes sont fous. Lui avait prévu le coup, mis une bouteille de Chablis à rafraîchir dans la rivière. Elle ne peut pas appeler sa fille, contre le rocher ça ne passe pas. Elle râle un peu. Aussi bien comme ça, pas la peine de t’inquiéter. Ils sortent des victuailles. Ils trinquent, rient, se racontent. Le type seul a 44 ans. Il est photographe, spécialiste du cincle plongeur, un oiseau qui vit au bord des cascades. Ou alors amateur de grottes. Peu importe. Ils ont fini de dîner. Ils parlent encore un peu. Ils se souhaitent bonne nuit. Il est 23h15. Un rocher de plus d’un mètre cube tombe de la falaise, écrase le camping-car à toit rouge avec son occupant. Le couple très choqué est pris en charge par les pompiers.

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

12 commentaires à propos de “#40jours #26 | petites vacances”

  1. droit au but, on est séché de cette fin directe, nul pompier pour nous prendre en charge, alors un petit commentaire, pour dire que le bref est à plein régime, avec cette accélération finale,

    • c’est en parallèle à la proposition #25
      alors on savait déjà ce qui allait arriver…
      j’ai saisi la possibilité de donner de l’épaisseur au fait divers par l’histoire des témoins
      merci Catherine pour cet écho…

    • voilà où la détestation des camping-cars vous mène… à aller déceler des rochers dans la montagne pour les écraser !
      (plaisanterie bien sûr)
      merci Danièle pour ton passage

  2. Oui, la chute est abrupte comme ce rocher qui tombe sur le camping-car. En contraste avec la tranquillité de la balade où tout avait été prévu, sauf… La narration est lumineuse comme toutes celles auxquelles tu nous as habitués! Merci, Françoise !

    • au début je n’avais pas pensé aux témoins, car ils sont bien réels… il y a eu deux témoins qui ont donc assisté à l’écrasement du véhicule et du type dedans
      d’un coup j’ai pensé à eux
      merci pour ton commentaire si spontané, mais maintenant il va falloir que je tienne le niveau ! oh merci Helena

  3. Tes témoins aident à corréler l’histoire d’hier et celle d’aujourd’hui.
    C’est vraiment super bien fait !
    Merci Françoise.

    • oui, je n’ai pas trouvé l’idée tout de suite… toujours un petit temps de rebond après avoir écouté François, et je savais qu’il y avait eu des témoins.. suffisait de les réinventer…
      merci Fil