#40jours #16 | la carte de Tendre

9 septembre 2009, les coqs s’exposent.
Il a quatre heures devant lui avant qu’elle ne revienne, il sillonne la ville, piétine, erre, photographie, retourne à l’hôtel et invente une histoire. Le temps passe comme cela. Il effectue des recherches pour agrémenter son texte, ne pas trahir l’Histoire avec un grand H. Il ne lui fera pas lire à son retour. C’est son jardin secret.

14 septembre 2009, les sucettes de la gare.
Deux jours à ne pas sortir de la chambre d’hôtel. Elle donne sur la gare. L’esplanade l’attire, mais il pleut. Il restera là et imaginera. Ce cheval bleu, cet enfant qui vient de tomber, il courait sans regarder, il n’entend pas les pleurs, mais les imagine. Il a plu pendant tout le séjour. Il s’est enfermé dans son histoire. Mais le troisième soir, il lui a demandé de venir avec lui pour voir les lumières de l’esplanade. La pluie s’était arrêtée. Ils ont marché, il lui a raconté ce qu’il avait écrit, elle écoutait, mais entendait-elle ou rêvait-elle à autre chose. Il ne se souvient plus du nom de ce gisant immense, ne retrouve pas ses notes. Il ne peut pas lui demander, elle n’est plus dans sa vie.

 .

Il plonge dans ses souvenirs.

Il revoit la bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand. Il avait emporté son ordinateur, s’était calé à l’écart. Que faisait-il ici avec toute cette jeunesse qui étudiait et lui qui rêvait d’écrire. Il raconterait leur histoire, elle le retrouvait dans le grand parc le soir, lui demandait juste si cela s’était bien passé, s’il ne s’était pas ennuyé. On ne s’ennuie jamais quand on essaie d’écrire, de traduire en mots ce qu’elle n’entend pas. Mais il gardait le sourire.

Toutes ces parenthèses, tant d’années après, il s’en souvient encore. Son cœur saigne encore. Il n’aurait pas dû.

Il a replongé dans son ordinateur, les photos, les textes se sont affichés.
Il remarque soudain qu’il n’y a aucune photo d’elle. Juste des photos des villes où ils ont séjourné, elle pour son travail, lui pour écrire.

Il égrène les dossiers, énumère les villes
Avignon, Lyon, Chambéry, Clermont-Ferrand, Grenoble, Valence, Nangy, Gap.
Plusieurs fois pour certaines, une seule fois pour d’autres.
Il se souvient.
Peut-être devrait-il dessiner la carte de ses errances.
Elle deviendrait sa carte du tendre ou de Tendre, le pays où il a voyagé d’hôtel en hôtel avec elle.

Basile doit plonger dans les entrailles de son ordinateur pour retrouver les noms des villes, des lieux, des pourquoi, des comment. Pas de parce que… s’il l’avait suivie, accompagnée et il fallait tuer le temps. L’écriture l’aide.Il doit se repencher sur des années passées qu’il a tenté d’oublier.
Maintenant, il n’écrit plus que chez lui. Il n’écrit que si on l’aide, lui donne des pistes.

Il ne tue plus le temps. Il prend son temps.

A propos de Danielle Masson

L'Ouest de la France quitté depuis plus de 20 ans ... déjà ... pour la Provence Suivre les traces du bon Roi René écrire, faire écrire, partager les mots essayer mais parfois dur, dur !!! joyeuse, enthousiaste à vous lire y apprends tellement