La nuit a été longue, c’est toujours comme ça le dimanche soir. Il y a ceux qui finissent le week-end et ceux qui le commencent. Elle est assise sur une chaise haute, illuminée par les néons rouges, le string remonté jusqu’en haut des hanches, talons aiguilles appuyés contre la vitre, elle secoue la tête en rythme avec la musique. Elle retouche son maquillage à petit coups de pinceaux, repasse sur le trait d’eye-liner. La poubelle regorge de mouchoirs en papier souillés. Elle ne la vide pas de la soirée, elle aimerait qu’ils sachent.
Les pauses, elle préfère les faire toute seule. Si les passagers réagissent plutôt bien quand ils trouvent une femme au volant -il y a toujours des questions – les collègues, ils n’aiment pas ça. Les regards en biais à la station-service du passage Apollo, elle ne les compte plus. Elle prend son café dans un gobelet de carton et attend sur le pont que sa voiture charge un peu. Au loin, elle les entend rire et chahuter, pendant qu’elle perd son regard sur l’eau noire du canal.
Son corps est plié en deux, elle plonge vers le sol, ses bras attrapent et tirent en levant les coudes vers le haut. Elle se relève lentement, s’appuie sur le charriot où elle vide une à une les poubelles. Elle recommence l’opération à chaque bureau. Voilée, elle porte un pantalon sous sa robe, mains gantées, bottines qui remontent sur les chevilles, seules ses joues et son front sont nus. Mais son visage est un masque de cire, regard absent, lèvres pincées : passer inaperçue, même s’il n’y a personne.
Irène, tes trois portraits sont vraiment très bien tournés. Ils me touchent beaucoup !
Un grand merci !
Merci Fil de ton passage par ici: il y a celles qu’on regarde et celles qu’on ne voit pas.
Peu de mots, grande efficacité dans les trois portraits. Merci, Irène.