Elle est à demi couchée sur un blanc public, le dos appuyé sur son sac à dos qui lui sert de coussin, les pieds allongés sur la pierre. Sa peau, qui a dû être très blanche, est tannée par le soleil ; sur sa tête, un foulard aux rayures noires, rouges et jaunes laisse échapper une mèche de cheveux blonds. Elle coince entre ses lèvres un bout de papier, comme si elle allait rouler une cigarette, mais semble avoir oublié son intention ; regarde au loin, plutôt absorbée par quelque chose ou quelqu’un, mais dans son champ de vision, il n’y a rien ni personne.
Elle crie à pleins poumons à travers tout le marché les noms des poissons qui se trouvent sur son étal, mais ce n’est pas cela qui impressionne. Elle manie couteaux, ciseaux et marteaux qui ouvrent, entaillent, tranchent, découpent, débarrassent, échancrent, déchirent, cognent avec la même aisance qu’elle donne des ordres, sourit, commente, répond, explique, soupire, se ressaisit, continue toujours, un jour après l’autre. L’étal appartient à quelqu’un qui n’est jamais là. Elle, c’est Rose.
Elle est penchée sur la table le regard vide, le visage meurtri, précocement ridé, elle nettoie la superficie blanche avec un torchon, puis reçoit les miettes dans sa main ouverte et gantée. Elle aurait pu les laisser tomber sur le sol, c’est un restaurant dans un centre commercial au sol pas très net, pas très propre, mais elle ne le fait pas, elle recueille les miettes dans sa main et va les déposer dans la poubelle derrière elle. Quand on la remercie, elle répond avec un sourire triste.
De belles évocations d’hommes et de femmes !
Merci Helena !
Merci, Fil !
Merci Helena pour tous ces portraits vivants ,et un bravo appuyé pour le dernier qui est une pépite.
Merci, Laurent ! C’est fou les images que cette consigne fait ressurgir !
très chouettes, tes portraits d’ELLES
magnifique ta poissonnière
émouvante ta serveuse avec ses miettes au creux de sa main
(et pourquoi ne pas passer le premier au présent aussi ? te libérer du souvenir, le rendre encore plus vrai…)
Merci, infinement, Françoise ! Justement j’y pensais! Le premier texte doit être au présent. Encore merci pour ta remarque et ton appréciation !
Superbe ! Tout s’imprime, est saisi à l’essentiel. On a presque déjà vu ces femmes quelque part.
Oh, merci, Nolwenn ! Ce « saisi à l’essentiel » est le plus beau compliment !
Et l’art de la chute, incroyable, qui se visse au corps, les derniers mots qui font tout le personnage, le redressent haut et fort – fierté – fait un bond dans nos yeux qui te lisent. merci Helena !!!
Merci, infiniment pour elles, Françoise ! En écrivant vite, heureusement, on écrit avec le coeur !
J’aime les petits détails, le papier à cigarette, les couteaux, les miettes de pain. A eux seuls ils dessinent encore plus les personnages.
Merci infiniment, Fabienne ! C’est cette émotion dont on parlait tout à l’heure au zoom qui fait qu’on s’attache à ces petites choses.