#40jours #12 | comme un gravat dans la ville à côté des tilleuls en fleurs

Deux sacs à gravats pleins sur le bord du trottoir. Une poignée repose sur le côté. Seul un treuil mécanique peut les déplacer. L’enrobé bitumeux est déconstruit en blocs chaotiques. Morceau de la taille de la main à la largeur du big bag, d’environ un mètre. C’est plutôt un big bang, l’antre d’un plan fracturé, cassé de tous bords. Bien qu’emballé pour être tracté sur un camion – le big bag peut contenir jusqu’à 1500 kg – les débris font la guerre. Le maillage qui renforçait la solidité de la couverture dégueule du tas de plaques. Des fils synthétiques se hérissent, une végétation artificielle pousse. Les parois du big bag au bord de la déchirure excèdent, le ventre de déchets au bord de l’indigestion.

Non pas un arbre mais plusieurs, plusieurs allées de tilleul. Une multitude de petites lanternes jaunes se suspendent. Une symphonie de petits grelots odorants répand un parfum suave. Difficile d’imaginer ces arbres immobiles tant les houppiers foisonnent. La quantité folle de fruits chorégraphie. Une frisure, une mousseline légère, un tissu à triple fils tissée d’un premier rang de feuilles en forme de cœur, d’un deuxième rang de bractées vert tendre, jusqu’aux jeunes premières : les bouquets suspendus de pompons jaunes. Les branches principales s’inclinent vers le sol. La floraison brode ses frous-frous, ses dessous de branches ployantes.

A propos de Nolwenn Euzen

blog le carnet des ateliers amatrice de randonnée (pédestre et cycliste) et d'écriture, j'ai proposé des séjours d'écriture croisant la marche et l'écriture, et des ateliers deux livres papiers et un au format numérique "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue revues La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune...

12 commentaires à propos de “#40jours #12 | comme un gravat dans la ville à côté des tilleuls en fleurs”

  1. Entre la végétation factice débordant du béton et la frisure des feuilles, le treuil mécanique qu’il faudrait pour soulever ce sac de gravats et la floraison de ce tilleul dont les bouquets explosent de couleurs, de de senteurs, sous le poids de ses branches, c’est toute une ville qui surgit en plan serré.

    • Merci Philippe ! Et merci d’être passé lire. C’est fascinant de faire parler tout ces détails.

  2. Merci pour ces deux textes qui se répondent vraiment bien. L’opposition gravats / tilleuls est perceptible dans l’écriture même. J’aime beaucoup ! Bravo !

  3. Très fin, précis, musical, j’aime bien la description des végétaux. petit conseil lecture si ce n’est déjà fait : Jean-Henri Fabre.

    • d’où vient d’ailleurs ce lexique du tissage ? Un goût personnel, ou c’est venu d’un coup sans aucun lien avec le quotidien ?

  4. Le mot « houppier » m’enchante… Et la présence des Tilleuls dans la Ville agitée, remuée , mise sans dessus dessous, mise à sac, mise en big bag, est une image qui calme et qui parfume au soleil. Sur la place Bellecour, à Lyon, les antiques marronniers devenus très malades ont été remplacés en partie par des Tilleuls. Cela m’enchante aussi. J’ai aimé à mon tour votre description et la juxtaposition de contraste.Juste le détail très miniature de la nature qui essaie de repousser sur un dégueulis de gravats montre qu’on peut renverser la donne facilement avec l’aide de la pluie si elle veut bien…Merci pour ce duo.