#40 jours #07 | vertige

Perchée sur un haut tabouret, accoudée au bar, le regard perdu dans la mousse d’une Guinness, assise au-dessus d’un monde qu’elle ignore, elle chavire vers le labyrinthe de ses désirs. Elle a quatorze ans, dans la grotte encore vierge de touristes – Clamouse – affublée d’un casque à lampe frontale elle avance précautionneusement ; il s’arrête ; ils ont trouvé un refuge à leurs baisers mouillés derrière stalactites et stalagmites gainées d’eau qui jouent de l’orgue avec leurs premiers émois. Le sol frémit – métro. Elle a neuf ans, assise dans le métro de Paris qu’elle découvre, DU BO, DU BON, DUBONNET dans les boyaux de la capitale la foule derrière les portes automatiques, l’horrible vacarme de la bête qui entre en station, le grincement strident des freins, les portes qui s’ouvrent , la grande bousculade, emportée, elle se veut retirée, séparée, enlevée, se perdre,  s’égarer, s’oublier, s’évanouir dans ce ventre inconnu, descendre, descendre. Elle n’a pas encore d’âge, le ventre la pousse,  la chasse, l’expulse. Elle trempe ses lèvres dans la mousse d’une Guiness assise au-dessus d’un monde qu’elle ignore

A propos de Claudine Dozoul

Se balade entre écriture et pratiques artistiques diverses. Animatrice depuis longtemps d'ateliers d'écriture.