#40 jours#04#plage de Dieppe

dos au centre ville, sous la falaise crayeuse qui s’écroule, sous le château. des galets, des monticules de galets, des plis, des replis de galets. des galets et des galets encore et toujours. marée montante ou descendante. peu importe, faible coefficient, pas de sable, seulement des galets gris. le gris n’existe pas. tous différents de près. tous uniques. avec toutes les nuances possibles de brun, jaune, vert, blanc, beige, gris. du plus pâle au plus foncé. sous les falaises, plus de blancs, rugueux, presque plats. calcaire. bruit sec quand on marche lourd. les galets s’entrechoquent fort. des tessons de verre vert, un restant d’étiquette rouge de 1664. plusieurs restes de goulots. galets ronds ou presque. petits, durs très durs. pierre usée. forme indescriptible. quoique. des anfractuosités. des recoins arrondis où subsistent, logée, lovée, encerclée de l’eau de mer. des plus lisses, plus caresse quoique.

des galets dessous les galets. dessus des résidus d’os de sèche, fendue, fêlé et des grappes d’algues brunes encore gonflées d’eau de mer, tels des petits grains, des réserves de . Tiens des pattes assez fines filent, poils longs, noirs, quatre, un chien. un chien disparaît du champ de galets proches. une truffe de chien au dessus d’un mini crabe mort sur le dos, le crabe décoloré, lui manque deux pinces. le ventre en l’air. des ombres sombres, massives passent sur la plage, des nuages invisibles filant. le vent. des goélands, gros becs jaunes, pieds palmés. ailes lissées. yeux sombres sans paupière. goélands regroupés, décollant quand le bruit des pas sur les galets se rapprochent. oiseaux lourds, décollage inélégant.

sur les galets, des galets encore et aussi une tong usagée, mâchée, entamée, encore un peu rouge, de petite taille, une tong d’enfant, une seule dont la bride s’est détachée de la semelle. sur les galets, des plumes blanchâtres, duvet d’oiseau doux comme la peau des bébés, sur les galets. attaqué ? arrachées les plumes ? et des galets qui couinent, qui grincent, qui pleurent, des galets imparfaits. il est interdit de les ramasser. au cas où il n’y en aurait plus un jour… une merde de chien taille moyenne, des fientes d’oiseaux molles et claires et des restants de mouchoirs dégueulasses pas loin, pas loin des planches de bois gris, des lattes de dix centimètres qui forment un tapis géométriques sur les galets, un couloir, une bande où les pas deviennent subitement silencieux, ou quasi. sauf que les goélands crient sec, cris invisibles. deux converses montants jaunes, pas entièrement lacés, deux bas de jeans bleu relevés, deux jambes peau claire, poils roux frisotés. mollets maigrelets. des brindilles entremêlées, en devenir de rien, pas loin du rien. la marée, les galets va les broyer. les galets. et une espèce de vieille capote, ce n’est pas un sac plastique blanc vu la forme, quoique on en trouve beaucoup ici des sacs plastiques près des algues desséchées, des sacs abandonnés. quelqu’un a vidé ses poches sur ces galets. ce n’est pas une poubelle cette plage de galets protégés. et aussi un paquet de cigarettes écrasé. avant ou après avoir atterri sur les galets ? photo insupportable d’une gorge rouge cancer noir. papier d’alu d’emballage des cigarette à peine froissé sur les galets. des galets je n’en peux plus des galets c’est fatigant. une rose un bouton de rose séchée couleur rouille. comment a-t-elle pu arriver ici ? presque réconfortant une fleur sur tant de minéral. et encore des galets. le restant d’un morceau de bois, toujours du bois sec et dur, mais entamé, rongé. du bois flotté on dit. il ne flotte plus, échoué sur les galets.

j’arrive à la fin, au mur de béton avec des cailloux, des galets pillés, j’arrive aux piliers de la jetée. noirs épais. enfoncés. plus de galet.

A propos de Pascale Sablonnières

photographe autrice et professeure dans une école d'arts plastiques, j'écris. j'écris, en lien ou pas avec des images, en lien ou pas avec des œuvres visuelles, ou avec ce qui se passe ou ne (se) passe pas. http://www.pascale-sablonnieres.fr/ https://montreuilsurpage.blogspot.com/ https://dungesteverslautre.blogspot.com/

Un commentaire à propos de “#40 jours#04#plage de Dieppe”

  1. Bonsoir Pascale,
    et bien j’ai ma réponse, à propos de ce commun évoqué par vous ce matin, mais je retiens surtout l’éffacement des majuscules, je l’ai choisi pour justement arasser le « sol » du texte, il me semble que pour vous , cela polit les phrases comme des galets, faussement identiques, très chouette !