Les fenêtre des Hôtels Ibis sont toutes les mêmes. Elles criblent de carrés réguliers, rapprochés, resserrés, les façades blanches et muettes. Rien ne se raconte. Ou presque rien. Le camion de poubelle du bout de la rue emporte sûrement le contenu des déchets de chacune de ces chambres-cellules . Y a- t-il la même uniformité dans les sacs à détritus que sur la façade lisse qui jamais ne dira rien du lieu où vous êtes, où que vous soyez ? Pouvoir ouvrir un sac poubelle du camion pour y voir dégouliner un peu de vie ? N’est-ce pas partout pareil ? Mouchoirs en papier, tickets de caisse, capotes usées et disques à démaquiller ? Penser à ce que l’on dirait si un autre ouvrait- par mégarde ou intentionnellement-nos sacs poubelles. Peut-être est-ce là, ce charme évoqué par le philosophe, ce parfum qui flotte autour de l’être ? Pourquoi pas une mauvaise odeur, plus unique que ces fenêtres trop bien rangées, dans une de ces rues de derrière- la pensée de derrière du janséniste clermontois eut plus de succès niveau toponymie. Le camion du bout de la rue Jankélévitch à Bourges emporte ses secrets. La façade standardisée ne dira jamais rien. Seules les fenêtres entrouvertes et les sacs poubelles crevés semblent encore capables de faire vivre cette rue dortoir. Une rue de je-ne-sais-quoi -et de -presque-rien.
A l’image de sa voix en mode mineure- que l’on peut encore entendre dans quelques archives radiophoniques ou télévisuelles- il y a ces lieux mineurs. Quelles sont les raisons d’aller à Emerainville- 77184 ? Double D Import- Nestlé Homecare- Liberty Auto MLV- Trois suggestions d’activités pour la rue Jankélévitch d’Emerainville. Avant même de voir, malaise de la dysharmonie toponymique. On a flanqué le philosophe dans une zone commerciale de voiture importées et d’appareillages médicaux- je ne savais pas que Nestlé fabriquait des appareillages pour Ameli-Sécurité sociale. L’image du cacao s’écroule d’un coup, au coin de la rue Jankélévitch d’Emerainville. Tellement insignifiante qu’elle ne se voit que depuis le cul de sac de la rue d’à côté, sur Google Earth. Les blocs de pierre et les détritus ne sont pas sans rappeler les fenêtres carrées et le camion poubelle de Bourges. Curieuse harmonie des rues insignifiantes aux noms de philosophes trop compliqués et incompréhensibles.
La troisième ne dispose pas d’image, ni même du titre de rue. Allée Jankélévitch- Le port- La Réunion. Pourquoi ? Lien obscure, Google ne trouve pas non plus. Flou du zoom. Données indisponibles, Imaginer. Cette allée du bout du monde conservera son presque rien indescriptible. Mais qu’elle se trouve dans un port eut, pour elle, un sens.
j’ai une photo d’une rue ou d’un square jankélévitch, je la cherche et je te l’envoie
il y a quelques rue Janké, oui, mais des Foucault, des Deleuze, des Cioran?
Ah oui je veux bien la photo et si tu as la main rajoute là…bonne question..une rue Cioran. Ça claque.
Super texte. Des mots superbes. « Des presque-rien, insignifiant, une rue de je ne sais quoi. lieux obscurs, l’image du cacao… » . Jankélévitch et les détritus.
OH merci Simone…oui ça serait un bon titre ça, Jankélévitch et les détritus..à bientôt, en vrai ou autour des textes…