J’habite en ville dans une rue sans parc. J’habite en face d’un arbre. Je regarde la fenêtre d’en face, la façade d’en face, le trottoir d’en face. J’essaye de voir plus loin. Dans le jardin d’en face qui fait 2 mètres sur 5 se trouve un séquoia de 15 mètres. Un séquoia tellement grand que lorsqu’on est sur le trottoir de cette rue on ne le voit pas. j’écris en face d’un arbre. C’est l’arbre qui cache la forêt.
J’ai l’impression que l’arbre derrière la fenêtre est plus gros plus large qu’hier. L’arbre ne rentre pas dans le cadre de la fenêtre. J’ai l’impression qu’aujourd’hui il prend toute la place en large, en long et en large dans la fenêtre. On voit de moins en moins les toits et les façades des maisons en face. Et le ciel. On nous dit pas tout. Et qu’est ce que fout cet arbre en ville ? Est ce qu’il a ses papiers, son autorisation de rester sur le territoire ? Pourquoi il est pas resté avec les autres arbres ? D’ailleurs ou sont les autres arbres ? Ou est la forêt ? Et est ce qu’il y a des mots français de souche ?
Dans un premier temps entendre la mine de bois sur la feuille. Et désormais sur une table en bois dans le sens de la largeur écrire carte sur table d’ou je viens. Ce qui s’écrit viendra de ça un arbre immense et lourd. Ecris depuis la forêt de cet arbre, depuis le végétal, depuis même avant le végétal, depuis la respiration de l’arbre, la mémoire de l’arbre d’ou les mots s’alignent pour dire d’ou je viens comme ça avec la sueur au front. Ecrire le chemin emprunté depuis le retour de la forêt ou je m’étais caché. Le loup n’était pas dans les bois. Il était blanc et il venait de l’autre coté de l’océan pour discipliner. Que tout puisse avoir sa place sur la table. Puis s’y mettre. S’attabler pour écrire comme se nourrir. Se pencher sur ce que l’on fait. Etre dans les bois. Sortir du bois avec la carte tatoué sur la peau du chemin parcouru. Sur la table les traces du tronc, l’arbre est tendre. Gravé un coeur dans l’écorce, blessée la surface de la peau, jeté des pierres aux colons. Dévaler la colline. Ravaler sa colère. il ya la table, les anneaux du bois et la tache de gras. Revenir à l’arbre et à sa feuille.
Le séquoia est d’un vert terne et les trois tuyaux de cheminée en brique sans éclats. Le séquoia dépasse le tilleul, dessous les tomates dans un bac et au sol les fraise sauvages au printemps les roses trémières le plus souvent des effluves de jasmin j’habite en ville. Il ya un oiseau dans les branches du tilleul. Au faîte du Séquoia j’ai peur de tomber. Je n’ai pas le vertige et j’en suis bien contente mais sur la cime la branche est mince. A l’origine je suis née en Afrique mais pas mes parents. Droit du sol. Est ce que le tronc d’un arbre c’est une branche qui a réussi.
Hier ils ont coupé les branches du séquoia. Aujourd’hui je découvre l’autre fenêtre d’en face. Les fenêtres d’en face me découvre. J’avoue que quand j’ai entendu la tronçonneuse j’ai eu peur. Il était 9h00 et les branches tombaient l’une après l’autre dans le petit jardin. Une autre tronçonneuse attendait en bas et débitait les branches tombées. Est ce que c’est le seul séquoia de son espèce, est ce que c’est le dernier ?