Je les regarde l’un après l’autre, mais ma bouche reste fermée, les dents sérrées, les mots ne sortent pas. (Comment sortiraient-ils, idiote ? ) (Ils ont dit que cela n’arriverait plus …) Ils continuent leur conversation sans faire attention à ma présence. (Comme si tu n’étais pas là.) (Ou comme si ma présence était normale en ce lieu, tu comprends ? )
Ma conscience s’allonge dans le gazon, son regard se perd comme un nuage glissant dans le ciel limpide. Comme il est doux et frais d’être au contact de l’herbe. Ma main carresse les brins d’herbe. (Tu aimerais bien arrêter d’y penser, hein? Tu n’irais pas tout gâcher avec tes soupçons?) Je souffle bruyamment (Trop à perdre?) (Je ne suis pas prête…)
J’attrape la tasse à café, bois d’un coup le reste de liquide noir et tiède. Avec une grimace, je repose la tasse sur la table d’un coup trop sec. Le bruit fait tourner sa tête, des questions plein les yeux. Je soutiens le regard, j’y plonge et cherche la faille. Il ne cille pas, il reste là devant moi, comme un jeune agnelet innocent. Il reprend sa conversation, l’air de rien. (Tu dois parler!) (Il ne m’écouteras pas. Je l’entends déjà râler, que je gâche tout, je pourris une si belle journée, je lui pourris la vie, oui.)
Je deplie Le Monde tout froissé devant moi et fais semblant de m’y plonger. (Ta lâcheté te rend bien service). (Je lis.)
– Oh, vous savez pas ?