1
Rouge.
Rouge vif. Rouge feu, mais le feu est rarement rouge, plutôt jaune ou bleu, bleuâtre.
Masque.
Un tout petit masque, le plus petit masque.
Ce masque qui te permets d’être, d’être pleinement, de franchir des murs, de franchir des barrières, des barrages, de franchir des interdits.
Je l’amène toujours avec moi pour me rappeler de cette liberté.
Maintenant je le cherche et je ne sais plus où il est… dans mon désordre je le perds souvent de vue.
Je l’imagine donc.
J’en ai deux.
Un en cuir et un autre en plastique,
amulettes de mon âme prisonnière.
Objets donc.
Morceau en plastique, l’un.
Pourtant même avec du plastique pour fabriquer un nez de clown, il faudra une intention et de l’application. Même en plastique un nez de clown est toujours un nez de clown avec tout ce que cela implique.
Morceau de cuir, l’autre.
En cuir c’est un travail d’art, donc artisanal, un travail des mains, comme toute fabrication d’un masque.
Je sais maintenant pourquoi j’oublie à chaque fois mon nez de clown au fond de mon sac… parce que j’aimerais toujours le faire tomber ce masque, le masque. Pourtant parfois c’est par des simulations, des fétiches, des gris-gris, par des amulettes qu’on peut dépasser soi-même et accéder à une autre dimension. Ce n’est pas seulement une question de masque, de couverture, de rôle, de rôle social, c’est aussi la possibilité d’aller ailleurs, d’être ailleurs, d’être différemment avec des qualités et des pouvoirs différents.
L’objet en soi.
Juste un morceau de plastique ou de cuir… objet inanimé, là, jeté au fond d’un sac ou d’une armoire, ou sur ma table.
Il m’accompagne ce morceau de plastique, ce morceau de cuir.
Quand nous nous retrouvons avec nos morceaux de rouge vif, nous devenons différents, nous donnons vie, nous devenons autres nous rentrons dans cet autre monde.
Cet autre monde qui est aussi celui de l’écriture, ce monde où les frontières sont plus facilement franchissables, où tout peut coexister, où tout peut vivre, être montré, ou le réel peut être pleinement, dans sa trivialité pleine. C’est comme un stylo un nez de clown, comme un stylo bic en plastique, morceau trivial de plastique ou alors comme un stylo plume, c’est comme une machine à écrire, comme un clavier d’ordinateur, il véhicule cette énergie qui est là, transmetteur de vie, de pensée, de liberté, de rêves. Antenne et transmetteur d’ondes et de tremblements, des mouvements et des cris.
Objet de transition, transistor rouge.
Comme le nez d’un ivrogne, celui qui n’a plus de masque.
Se transférer au plastique du nez ou du bic, se transférer au cuir ou au stylo plume, transformer grâce à l’objet.
Totem.
2
Morceau de plastique.
Pourtant même avec du plastique pour le fabriquer, il faut une idée, une intention et de l’application.
Morceau en cuir.
En cuir c’est fabriqué par des mains, par un travail artisanal, un travail d’art comme toute fabrication d’un masque.
Rouge.
Rouge vif. Rouge feu, mais le feu au fond est rarement rouge, plutôt jaune ou bleu, bleuâtre. Rouge comme le nez d’un ivrogne, celui qui n’a plus de masque.
Masque.
Le plus petit masque, qui recouvre juste la pointe du nez, et comme tout masque il permet de franchir des mondes.
Liberté.
Fragilité.
Je l’amène toujours avec moi.
Maintenant je le cherche et je ne sais plus où il est… dans mon désordre je le perds souvent de vue.
Je l’imagine donc.
J’en ai deux. Un en cuir et un autre en plastique, amulettes de mon âme prisonnière.
Objets donc.
Maintenant je sais où il est, dans la trousse des choses importantes, dans mon sac. Il est là, près de moi, en ce moment à côté des montagnes. Même si mon clown sommeille en moi, endormi par la chaleur lui aussi, comme moi, mais à lui la chaleur va bien, elle nous permet de rêvasser à l’unisson et de nous retrouver, comme quand je le porte, ce nez.
Gris-gris. Fétiche. Clé de voûte.
Morceau en plastique ou en cuir, jeté au fond d’un sac, sur l’étagère d’une armoire ou sur ma table.
Transistor. Transmetteur. Antenne.
1, 2, 3 roulements de tambours… le spectacle commence :
le clown est là, il ose.
Nez
Naso, nose, ose. Nez, siège de la colère. Nez de betterave. Au vu de nez, un rhinos, un rhinocéros est là.
Sa présence est incertaine, éphémère et envahissante comme celle d’un ivrogne, celui qui n’a plus de masque.
3
Oser avec du plastique.
Industriellement.
Mais avec une idée, une intention, de l’application.
Oser avec du cuir.
Et là tu es là. Mais le travail a déjà commencé avant toi et avant ce moment où tu crée à partir de ce qui est là. Le travail a déjà commencé avec des mains qui l’ont fabriqué ce petit masque en cuir, qui l’ont crée en choisissant le cuir, en le découpant, en le modelant pour qu’il devienne rond et chaque masque rond à sa manière irrépétible, et surtout en le plongeant dans la tonalité juste du rouge. Et là c’est le moment décisif et il est là, ce masque.
Morceau de plastique.
Morceau de cuir.
Tout petit morceau de plastique ou de cuir. Tout petit masque.
Juste pour couvrir la ponte du nez et par là franchir des mondes.
**
Amulette. Antenne. Clé. Fétiche. Gris-gris. Transistor. Transmetteur
Rouge. Rouge vif. Rouge cerise. Rouge manteau de Blanche Neige. Rouge Terre de Sienne. Rouge Agathe. Rouge vermillon. Rouge drapeau soviétique.
**
Point de passage entre l’ordinaire et le sublime. Détonateur. Oui DETONATEUR.
1,2, 3 Il ose. Elle ose. Le clown est là, comme l’écriture est ici.
Sa présence trébuchante, instable, incertaine et envahissante comme celle d’un ivrogne, celui qui n’a plus de masque. Sa présence est fragile, elle tâtonne, et elle donne à voir la sortie du néant.
Passerelle suspendue dans le vide. Comme cette écriture qui se penche sur le ravin. Interdiction de s’arrêter pour cause de peur. Poursuivre.
4
Rouge rideaux de théâtre. Détonation.
1,2, 3… oser être là.
Oser avec du plastique industriel, avec une idée, une intention, de l’application.
Oser avec du cuir, et tu es là, mais le travail a déjà commencé avant toi, avec ces mains qui l’ont fabriqué ce petit masque en cuir, en lui donnant sa présence anticipatrice de la tienne, ces mains qui ont choisi le cuir, l’on découpé et modelé pour qu’il soit rond à sa manière, l’ont plongé et imbibé dans une certaine tonalité exacte de rouge : rouge coqueliquot, rouge vif, rouge turc, rouge cerise, rouge soviétique, rouge manteau de Blanche Neige, rouge terre de sienne, rouge coucher du soleil, rouge tunisien, rouge agathe, rouge vermillon, rouge marocain, rouge grenadine…
Étroit passage entre le néant et l’existant, maladresse du trivial, canyon entre l’ordinaire et le sublime, vertige. Comment tenir étant suspendu sur le ravin ? Présence trébuchante, instable, incertaine, malgré le rouge vif. Ta présence est trébuchante, ton écriture subtile, effaçable. Du coup, maintenant ta présence devient envahissante, débordante, comme celle d’un ivrogne, celui qui n’a plus de masque.
Rouge cerise comme le nez de Mastro Ciliegia.
Interdiction de regarder en bas, mais c’est difficile de ne pas regarder dans l’abyme. Avancer avec le néant jusque dans l’estomac, écrire malgré le vortex qui t’aspire, rester là, rester ici, rester même si engloutie dans le vide.
Ton amulette sous les yeux : morceau en plastique. D’un coup vision d’un rouge vif et foncé. Gris-gris contre le néant.
Franchir maintenant des mondes, retrouver la force du vortex, transformer sa propre force centripète en force centrifuge, en détonation, BAM BAM BAM oser être présente, voilà, juste ça, avec cette présence fragile, étonnante, tâtonnante qui donne à voir la sortie du néant. Enfant, qui vient d’accomplir la traversée du canyon maternel.
Et tu es là.
5
Rouge. Rouge menstruel.
Rouge rideaux de théâtre. Détonation. 1, 2, 3…
Mais, attention, l’arrivée est parfois silencieuse.
Oser être là : rouge coqueliquot, rouge vif, rouge turc, rouge cerise, rouge soviétique, rouge manteau de Blanche Neige, rouge terre de sienne, rouge coucher du soleil, rouge tunisien, rouge agathe, rouge vermillon, rouge marocain, rouge grenadine…
Rouge cerise comme le nez de Mastro Ciliegia.
Rouge sur du plastique industriel.
Rouge sur du cuir.
Présence trébuchante, instable, incertaine, malgré le rouge vif.
Ta
présence
est
trébuchante,
ton
écriture
subtile,
effaçable.
Du coup,
maintenant
ta présence devient envahissante,
débordante,
comme celle d’un ivrogne,
celui qui n’a plus de masque.
Le néant dans l’estomac, écrire malgré le vortex qui t’aspire, rester là, rester ici, entre le néant et le tout, rester.
Comme le nez au milieu de la figure, île ou lettre pourpre, ce texte dessine le visage d’une vie qui se risque sur un fil rouge
Merci pour ta lecture, Christine et pour ce beau retour, qui continue à écrire ce texte. Nez île!