Vers un écrire-film #03 | Corvus corone corone

© P. Gourdain – CC BY-NC-SA – INPN

Descente de l’escalier en bois dans le matin froid. Le timide faisceau de lumière éclaire les marches détrempées par la brume. Entrer dans le bureau. Murmure des premiers chants.

Écriture matinale et vagabonde. Lente descente jusqu’au cœur. Alors jouer, en attendant. Résurgence enfantine – Comme chaque matin, épier les pies, sur le pin, qui, chipies et harpies, pinaillent sur la branche pour un bout de pain. Roulements goguenards, cymbales criardes. Se rassembler. Reprendre la truelle et racler et épousseter et racler et épousseter. Un mot. Une idée. Une rature, parfois. Un point. Un oiseau hoquette sur une branche lointaine. Chant contracté et répétitif.

La route serpente au creux de l’estomac sous un soleil imperturbable. La rosée se prolonge en centaines d’éblouissements. Hallucination cubiste de la juxtaposition des coteaux ; de la distance annulée. Par vagues successives, les blocs de terre labourés, stériles, encadrés d’herbes folles. La fierté du pin dans sa parure hivernale escamote l’œil scrutateur de la corneille noire.

A la sortie d’un village, une colonie d’échassiers blancs glanent sur un rond point herbeux. Le giratoire se donne un air d’îlot marin avec les volatils dessus. Tournoient les voitures, mornes chalutiers. Guetter le passage d’un goéland. Pour rire.

Dans le coin de l’œil, depuis le pont qui traverse l’Ariège, un oiseau noir et filiforme, sur un rocher, guette solitaire et fier au milieu des tumultes de la rivière. Un héron peut-être. Car le regard n’accroche pas l’image dans le défilement saccadé des croisillons métalliques de la rambarde. Gardons l’idée. Miroitement de l’eau à l’apparition de l’éclaircie.

Enveloppé dans une couverture de laine sur la chaise longue. Chercher le pinson des arbres qui mitraille ses chip-chip-chip dans un long trait dégringolant la tessiture. Retourner à la page ouverte. Envoûté. Une maison sur une île. L’île de Skye dit-on. Un œil clignote au loin. Se dire en passant : peu d’oiseaux, quelques goélands mais des femmes et des hommes, l’existence, impénétrable et le temps qui passe.

Sous l’éteignoir, les chants s’épuisent et s’amenuisent. Un ultime hululement dans le silence étoilé. Dernière rêverie d’un corps lunaire me surplombant.

“Le temps s’arrête, ici.”

A propos de Xavier Castanéa

"L'écriture amène à faire le tour des choses" (Jacques Serena)