Une autrice. Elle revient au pays et au village de ses parents. Elle est née loin d’ici. Ils ne lui ont jamais rien raconté. Elle retrouve des tombes dans un vieux cimetière. Près la rivière, elle rencontre le fantôme du jeune homme qui aurait dû être son oncle.
Une traductrice. Elle s’isole en pays étranger, dans une ville reconstruite après-guerre. Elle travaille sur un texte à propos du temps qui passe. Une maison en est la figure principale. Dans sa stricte discipline, elle s’impose des errances nocturnes. En ces occasions, elle cherche à éviter un fantôme.
Ruines de guerre. Une jeune femme marche. Elle marche et elle filme. Elle filme la vie de sa ville dans la guerre civile. Tous les soirs, elle télécharge. Elle télécharge le fichier de la petite caméra numérique vers lui. Vers lui l’ami, là-bas, là-bas dans la paix. Lui, ici, dans la paix d’ici, il monte les images, il veut nous montrer. Il veut que nous sachions nous les paisibles d’ici, il veut que nous voyions, que nous partagions comment c’est la survie de leur ville là-bas.
Une jeune femme, ouvrière d’usine ou employée de bureau. Son amour des films de cinéma. Un soir, tout bascule. Ou plutôt, le héros du film de la soirée bascule dans sa réalité à elle. Il l’interpelle, sort du film pour la rejoindre. Ensemble, ils fuient.
Un jeune père de famille veuf et ses deux filles. Ils vivent dans une maison aux bords des grands bois. Absorbé par son travail, un peu distrait aussi, il ne voit pas que ses filles lui échappent, que chaque jour elles s’enfoncent davantage dans le sombre des grands bois.
Un village. Un gosse, un pain sous le bras. Il court. Il court à bout de souffle à travers les ruelles. Il franchit un angle. Il se fige. Un chien. Un gros chien noir le regarde. Il le regarde de ses yeux noirs. Il grogne, il gronde, il montre les dents. Il attaque.
Seuls les enfants les voient. Ils sont là. Ils sont éternels. Ils nous observent dans nos vies, ils nous écoutent dans nos têtes. Ils prennent des notes. Un jour l’un d’eux décide de s’incarner, de devenir nous.
Les fantômes des morts d’une guerre reviennent. Ils reviennent parmi la vie des vivants. Ils se répandent. Ils se répandent en histoires et ils racontent. Ils racontent aux vivants comment ils sont morts ; eux, les morts de cette guerre.
Un écrivain marche pieds nus au bord de la route. Il veut traverser son pays. Il marche, il profère, il filme, il dresse un inventaire, il mange des haricots en boîte et des bananes. Il dort parfois dans un motel. Il marche au bord de sa mort. Il est la route.
Un artiste. Il décrit dans de simples paragraphes plusieurs centaines d’œuvres à réaliser.
Un voleur. Il raconte ses forfaits contre les bourgeois. En introduction, l’éditeur précise que le manuscrit du roman qu’on va lire a été trouvé dans la corbeille d’une chambre d’hôtel.
Des employés municipaux. Ils retrouvent par hasard un homme dans l’ossuaire communal. Enfermé depuis plusieurs jours, il est la victime d’un règlement de compte.
Des bijoux sont volés aux habitants d’un château. Les Manouches installés non loin sont soupçonnés ; à tort, le voleur était une pie.
Un grand reporter et sa fixeuse sont les premiers journalistes sur le terrain d’une guerre civile. La violence des combats les rattrape. Ils accompagnent les habitants dans leur fuite. Récit de ça.
« Plusieurs centaines d’œuvres à réaliser… « me donne l’envie d’y retourner voir et d’ouvrir une page au hasard
Encore des histoires formidables, merci.
Merci Laurent ! Depuis la lancée de cette proposition, je découvre que les histoires qui remontent aux souvenirs viennent plus facilement des films ou des bandes dessinées. Pour les livres surtout des images qui sont restées.
La succession de ces histoires installent une certaine magie, comme si elles venaient nous survoler pendant leur lecture. Étranges sensations au goût de fantastique.
à propos du temps qui passe, il est la route, nous les paisibles d’ici, la pie, un pain sous le bras, récits de ça, ils sont éternels…Merci Jérôme