De cet angle, je ne vois pas la fin des arcades en pierre qui partent en V de chaque coté de la place de la Bourse. Au milieu le jardin en losange se fait découper par les lignes verticales des arbres, les tiges et les ronds des fleurs où se perdent notre regard. Chaque cube de voiture est posé de manière irrégulière autour du jardin. La ligne droite du sentier de terre qui sectionne le jardin en deux semble prête à avaler la haute et lointaine tour de l’Europe qui est perdue dans cet amas chaotique d’immeubles anciens et modernes sans queue ni tête. L’enfant s’enfonce dans la rangée d’arcades de droite et devient de plus en plus flou.
Immense platitude de ce parking à peine ponctué de quelques uns de ces réverbères modernes si fins et géométriques qu’on ne les voit vraiment que la nuit. A part le week-end, les deux tiers du parking reste vide et les voitures s’agglutinent tels des insectes fatigués près du magasin où leurs occupants vont faire leurs courses. En coupe, on voit deux grands hangars séparés par un grand plateau plat parsemé de quelques parallélépipèdes de voitures et de silhouettes pressées poussant un caddie. Grâce au zoom arrière, je vois aussi la clôture métallique chargée d’isoler la zone commerciale de la dangereuse forêt environnante où chaque tronc représente l’armée naturelle prête à fondre sur ce magma artificiel.
Au premier abord ce lotissement en forme de rectangle, la rue circulaire en forme d’impasse où tu reviens toujours à l’entrée, est composé de maisons accolées identiques et strictement symétriques: au rez-de chaussé coté rue deux rectangles avec la porte d’entrée et la fenêtre de la cuisine, au premier étage une grande fenêtre rectangulaire à trois vitres et un velux pour la salle de bain; coté jardin intérieur au rez-de-chaussé deux grandes baies vitrées qui donnent sur le jardin, au premier la même grande fenêtre rectangulaire à trois vitres et aux deuxième étage un grand velux pour une pièce mystère. Quand on découpe la maison accolée par le milieu, nous trouvons des géométries si disparates qu’il est légitime de se demander si l’un ou l’autre propriétaire à toute sa tête.
Deux parallélépipèdes enchâssés l’un sur l’autre, l’un minéral et mystérieux avec ses petites meurtrières en guise de fenêtres, l’autre blanc et translucide tant il y a de baies vitrées qui reflètent les arbres, les gens, les maisons alentours, les oiseaux et le ciel. Cette grande médiathèque qui abolit les frontières intérieures et extérieures avec le dehors qui se diffracte à l’intérieur sur les alignements plus ou moins homogènes que forment d’autres parallélépipèdes que sont les livres, les CD et les DVD. Telles des ombres vivantes dans cet aquarium où sont réfugiés les histoires rêvées et savantes du monde, les femmes et le hommes sont des silhouettes floues à la recherche de leur incarnation.
Ne pas tenir compte du rectangle piscine qui trône dans le jardin et faire un zoom avant vers le grand cube de la véranda qui constitue désormais la pièce à vivre de cette maison à 1 étage façon mas provençal. Si on enlève son toit légèrement en pente, la véranda révèle un plan en L dont la petite branche donne sur la cuisine, coté jardin une grande baie vitrée bien lourde et épaisse qui est encadrée par deux grandes fenêtres posées sur un muret aux accents méridionaux, le parallélépipède central à bout arrondi c’est la table familiale où les amis sont toujours bienvenus et à l’opposé de la cuisine un cube en fonte d’où sort un tube constitue la source de chauffage intersaison avant que le plancher chauffant soit activé au plus fort de l’hiver, en le soulevant on pourrait voir les méandres du système d’eau chaude.