Elle regarde la photo, sur la cheminée. Elle se demande ce qu’il fait, s’il va bien. Elle a lu le journal. Elle attend. Elle ne sait pas qui peut l’informer. Elle prie, qui ? Elle ne le sait pas. Elle entend la petite jouer dans la pièce d’à côté. Est-ce qu’elle se souvient de son père. Et sa sœur ou son frère, là dans ce ventre, comment elle va faire s’il ne revient pas ? De jeunes allemand rient sur le boulevard. Elle arrive à trouver à manger, grâce à la famille. Elle voudrait qu’il soit présent pour l’arrivée du bébé. Elle espère. Elle l’entend dans le couloir. Elle lui demande. Non il n’a pas eu les papiers, il faudra recommencer. Elle sait qu’un jour on les chassera de cet appartement. Elle sait qu’ils font peur aux gens, ils sont trop noirs comme ce parquet. Elle aimerait quelque fois avoir la peau plus claire, comme son oncle. Elle sourit quand elle croise quelqu’un. Elle espère qu’avec le temps ils auront moins peur. Elle sait qu’ils sont mieux ici, qu’au pays. Elle a un toit, du riz, les enfants sont en sécurité. Elle va cuisiner pour eux. Elle regarde avec lui une émission. Elle l’observe discrètement. Elle penserait que ce serait diffèrent. Il ne veut jamais sortir. Il veut toujours économiser. Il s’inquiète pour les lendemains. Elle essaie de le convaincre que de temps en temps, ils peuvent aller au cinéma. Il dit toujours oui, mais quand arrive le soir de la séance, il trouve toujours un prétexte pour ne pas y aller. Elle ne le reconnait pas. Elle le regarde, absorber par l’écran, les pieds sur la table basse en métal et verre. Elle pense le quitter. Elle ne l’aime plus. Elle va faire semblant ce soir. Elle n’aurait jamais pensé vivre ce moment-là. Elle sent comme un vide dans son ventre. Lui il pleure, il essaie de la réconforter. Elle ne peut pas l’expliquer ce vide. Elle sent comme un organe fantôme. Les mots ne veulent plus rien dire. Elle est dure au mal, la vie n’a pas été tendre. Mais pas ça, pourquoi ? Elle s’occupe des petits. Ils ne comprennent pas vraiment. Elle sait elle, ce vide qui vous aspire. Elle le reconnait, lui. Elle l’a rencontré sur le marché. Il est gentil. Elle est allée le chercher. Elle ne voulait qu’il lui échappe. C’est son homme. Elle sait qu’il lui fera des enfants. Elle l’a su très vite. Il ressemble à son père, pas physiquement, mais c’est un homme bien lui aussi. Elle regarde les vieux livres de son père, ceux d’avant la guerre, des antiquités. Elle est dans le présent. Elle se fait belle. Elle va au cinéma voire un film avec James Dean. Elle veut qu’il lui dise qu’il lui dise qu’il l’aime.
cette répétition du « elle » donne un rythme fou au texte (quelle proposition géniale!) et j’adore… même si tu as cédé ci et là à la tentation de passer au « il » !
toujours cette mémoire lacunaire qui revient…
Merci.
Merci Laurent.
Merci à toi de me lire.