Il est là, l’arbre, dans toutes ses données génétiques, dans toutes ses empreintes qu’il laisse, à l’automne, ses feuilles tombant à terre. C’est d’ailleurs à l’automne qu’on voit qu’il y avait un nid. Un nid de pigeons voyageurs qui sont venus se lover au creux des branches de ce cerisier pour s’y reproduire et donner naissance à de nouveaux pigeons. Des pigeons qui sont soutenus par cet arbre, qui donne des cerises, sur lequel ils peuvent se poser, s’abreuver et se nourrir. Un nid pour cet arbre, un arbre pour ce nid. Des branches qui s’étalent et qui montent toujours un peu plus vers le ciel. Des branches qui trouvent leurs aises à l’endroit où l’arbre a été planté, si bien planté par des mains devenues cendres. Le cerisier donne des cerises, certes. Mais il donne aussi l’ombre l’été quand il fait trop chaud. Refuge au printemps pour les pissenlits qu’on mange aussi par la racine, au pied même de l’arbre, à même ses racines qui se multiplient et se ramifient par le sol. Ça drageonne, ici et là, ça laisse des noyaux sur le sol et ça se ressème sur tout le terrain, dans tout le jardin, au milieu et sur les bords. Un arbre aux entrelacs de branches vigoureuses, qui se croisent et se recroisent, qui se dressent en scrutant le ciel telles des antennes qui vont chercher le soleil et la pluie pour se gorger de l’eau et de l’air qu’on lui propose. Plumes et œufs de pigeon qui tombent au pied de l’arbre, ça disqualifie, ça se ramifie, ça expulse, ça exulte, ça se déprend, ça reprend et se répand telle une traînée de poudre sous la terre et sous le ciel, dans l’entrelacs des branches qui enlacent ces corps si vigoureux, qui les accueillent et les rejettent quand ils ne sont pas les bienvenus. Lierre qui prend au pied de l’arbre, est-il malade ? Va-t-il rendre l’âme, devenir creux ou bien monter encore plus haut vers le ciel ? Pour l’instant, il s’échappe et cherche toujours plus de lumière. Il veut sortir de son trou en gardant ses racines bien ancrées dans le sol, dans ce sol qui a su l’accueillir et qui lui appartient. C’est son empreinte, ses empreintes à même le sol, comme des digitales qui s’étalent et qui montent encore plus haut en faisant quelques clochettes qui annoncent la suite du printemps. Benoîte, la benoîte qui pousse au printemps avec son odeur délicate de clou de girofle qui pousse au pied de l’arbre, à l’ombre, bien à l’abri des feuilles de l’arbre qui viennent tout juste de sortir. Il est bien planté, l’arbre, ses racines ont ce qu’il faut, elles n’ont pas besoin de puiser plus loin encore dans le sol, ses racines vont encore plus loin, cherchent à se reproduire sur la totalité du terrain. Son port est rond et retombant, à l’arbre, c’est ainsi qu’il a été coupé et étêté. Il accueille, l’arbre, il accueille et il recueille. Il recueille les envies de le voir se balancer au-delà de la pluie et du vent. Il recueille les envies de le voir se sublimer à la lumière du soleil qui phosphorise ses feuilles, qui les secoue pour jaunir le sol d’une épaisse lumière qui transparaît parfois, qui évoque une mosaïque de branchages et de feuilles imposantes, une mosaïque de vie, un réseau de vie, un flux sanguin qui palpite, dont la pulsation secoue les branchages de l’arbre mais pas les racines qui s’abreuvent de l’eau qui coule à ses pieds, qui baignent dans cette eau filtrée par la terre et qui remonte de temps en temps à la surface, qui humidifie l’herbe, qui abreuve l’herbe et les plantes sauvages que l’on peut manger. De la terre au ciel, du ciel à la terre, des rameaux et des rames de feuilles qui jonchent le sol à l’automne, pour rendre à la terre ce qu’elle lui a donné et pour la densifier, l’amender, lui redonner ce qu’elles lui ont pris le temps d’une saison. Redonner pour ne pas épuiser celui qui a donné, un mouvement perpétuel qui enrichit toutes ces espèces qui gravitent autour de l’arbre, qui vivent de l’arbre, qui s’enrichissent des arbres. L’écorce qui palpite, qui craque et qui vit comme les veines qui transportent le sang dans le tronc de l’arbre. Un réseau de branchages telle une toile qui protège l’arbre des agressions du temps, parfois mauvais, et qui capture le meilleur pour mieux l’enraciner, pour l’implanter encore et toujours plus dans un sol qui ne s’appauvrit jamais, qui ne s’use jamais puisqu’il donne vie à des plantes que l’on mange et que l’on partage avec ses voisins, s’ils sont biens. Il y a des pulsations dans l’air, et c’est bien, ça tape et ça frappe légèrement, ça tapote et frappote pour mieux accueillir et héberger, si besoin, ceux qui en ont envie.