Celle qui aime, celle par qui tout commence. Celle qui s’occupe de ses frères et soeurs, celle qui est intelligente, qui ira loin. Celle dont on accroche les diplomes sur les murs de la cuisine. Celle qui va au lycée mais qui renonce car elle n’a pas les mocassins à la mode. Celle pour qui vivre dans une tour de banlieue est une ascension sociale. Celle qui veut être interprête mais qui sera secrétaire. Celle qui fait construire une maison, celle qui a mari et un jardin, celle qui réussit. Celle qui a peur mais qui prend des risques. Celle qui croit que tout est possible, celle qui a la volonté. Celle qui appelait les flics pour faire arrêter son père. Celle qui a perdu sa mère au moment de donner naissance. Celle qui se tait et qui écoute. Celle qui est seule.
Celle qui est partie à cinquante-deux ans. Celle qui est née en Avignon et est morte à Bordeaux. Celle qui n’avait pas de mère. Celle qui s’est séparée apres la naissance de son premier enfant. Celle qui est revenue, plusieurs années apres. Celle qui savait qu’il était plus digne d’être battue que divorcée. Celle qui a eu quatre autres enfants avec cet homme. Celle qui a appris a être mère. Celle qui travaillait comme serveuse ou femme de chambre. Celle qui rentrait trop tard à la maison. Celle qui était pieuse, qui priait Dieu et tous les saints pour une vie meilleure. Celle qui supportait les coups et les insultes, l’immondice et l’indicible. Celle qui revenait de la maternité quand c’est arrivé. Celle qui avait porté le nouveau-né dans ses bras pendant le court instant d’une photo. Celle qui était maintenant une grand-mère. Celle qui avait invité son gendre à dîner à la maison. Celle qui était dans la cuisine et qui est tombée par terre. Celle qui est morte, sur le coup.