Arbre, quelque chose de toi me poursuit : tu n’as pas de jambes. Tu sais que tu es facilement assimilé à l’humain, tes branches-bras, tes brindilles-doigts, les visages dans tes nœuds, dans les creux, ta silhouette courbe de géant dans la brume. Pour achever l’illusion anthropomorphique, tes racines sinuent à la quasi-surface de la terre, n’arrivent à y pénétrer qu’en agrippant, comme griffant le sol : elles font figures de jambes avortées. Et en toi il y a bien de cela : un être, un esprit, quelque chose d’arrêté, d’entêté, d’amarré, d’ancré, Il ne te manque qu’elles, ces jambes, et pourtant tu ne serais plus arbre si tu les avais. D’où ce coup au cœur, quand tu tombes arraché, ou quand tu prends feu, c’est attaquer en traitre quelqu’un qui ne peut se défendre et détaler. Nous avons ta verticalité et de la mobilité. Serais-tu victime d’un sort ? –Dans la mythologie grecque, il arrive que des dieux métamorphosent des êtres en arbre pour leur salut : Daphné en laurier échappe ainsi à Apollon, ou punition : Appulus en olivier, il a surpris et s’est moqué de la danse des nymphes. Être transformé en arbre, bénédiction, malédiction, c’est selon. Toi, victime d’un sort ? Ou nous, de la magie inverse, qui courons sans fin ?