Arbre, j’aime ton ombre projetée sur la surface/peau d’un mur, d’un paravent, d’un rideau. Un écran clair assez, pour accueillir, en silhouette de gris, un bout de branche, éclairé en deçà. Parcellaire reproduction du réel, rendu au noir et blanc dans une forme dénudée, un bout de branche d’une douceur, d’une simplicité, délicates. Quand l’original est fleuri, riche de couleurs, saturé de nuances, de déclinaisons de lumières, de reliefs – on ne peut tout voir, il y a un dessus -nécessité de surplomber pour l’appréhender entier, un caché – extralucide capacité de vision pour suivre ses racines, et devant, et derrière, on tourne, on doit lui tourner autour, c’est la Danse de l’Arbre qui Etourdit. Le mur, au contraire, recompose un à-plat de lignes floutées, à peine grossies, caresse du trait, pâleur et velouté du gris. «Graphe monochrome éphémère», dirait prétentieux le cartel d’une salle de musée, illustrant l’image présente, manquante, selon la courbe du soleil par-delà la fenêtre. Arbre, j’aime ton ombre dansante au gré du vent. Quand il s’engouffre dans tes pans de branchages, de frondaison, de bifurcations, ton manteau s’enfle, bruisse, grince, les courants d’air glissent sur tes bras, tu t’ébats en élongations et replis. Malgré, avec la vague, tu restes arrimé à ton tronc, ton tronc lui-même à la terre, la terre au sol, et tu tangues. Ton faîte, s’affinant, offre prise au vent, prêt à décoller, rejoindre les nues, se désolidariser vers le ciel, chevelure dressée virevoltante. Sur le mur, ton image s’agite, s’étire, danse la gigue, le tableau s’agrandit et touche les bords, les lignes emmêlées se chevauchent, les tracés rectilignes se baissent, s’élèvent, et la forme ronde des feuilles qui quittent le navire et les branches, monte et papillonne dans ce désordre. Le dessin devient film, une écriture vivante.