…qui sillonne les rues en titubant, accrochant des passants dans la cohue, comme une boule de flipper lancée à l’aveuglette…
Comme une boule de flipper…qu’est-ce qui m’est passé par la tête, à trouver cette phrase ou plutôt cette image, en plein milieu d’un premier texte de narrateur, il m’est déjà difficile de comprendre comment j’ai pu écrire le texte d’ouverture, sorti comme un boulet de canon (encore une comparaison violente), alors que mon personnage devait être doux et peu réactif aux évènements, le récit a jailli d’un coup, m’a conduit dans ce lieu animé (que j’aime bien, mais qui n’était pas ma préoccupation) et a verrouillé mon histoire. A partir de ce moment, la plupart des propositions m’ont posé problème, à vouloir les relier à ce lieu, je me suis enfermée. Et je me suis cognée contre le cadre, tant de fois, comme la boule qui roule dans le flipper, puis glisse dans un des petits couloirs, des rails, des guides, passe un clapet, droite, gauche, remonte, saute, il y a du bruit, des éclairs, c’est violent quand tu es la petite boule qui subit le mouvement…clic clac…et roule…et puis, c’est la fin de la course, et s’affichent lumières et résultats et la musique signe…et la fille de mon histoire, dans ces premiers moments, me semble en effet prise dans la foule, emportée, secouée, baladée de gauche à droite, sans volonté, sans s’opposer, jouet du hasard le temps de redevenir consciente, sous les néons et les musiques des manèges…et puis, en cherchant bien, dans sa vie aussi, elle est entraînée par des forces extérieures, sans opposer beaucoup de résistance, se laissant glisser dans des rails usants, par élan ou par ennui, se baladant au gré des circonstances, vivant des hauts et des bas sans maîtriser grand-chose, destinée dans cette histoire à subir plutôt qu’à entreprendre, pourquoi n’est-elle pas plus combative, pourquoi n’a-t-elle pas de projets personnels, pourquoi être tombée sans se relever…comme la petite boule de flipper se cognant contre les parois, sautillant, changeant de voie sous l’effet de la vitesse, accélérant, ralentissant, et finissant mollement dans un trou noir sous des cliquetis bruyants, des lumières agressives, des annonces tonitruantes et des airs triomphants de fin de course…
ou comme la rythmique sur les «U» porte l’étrangeté de cette phrase…